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Philosophiques

17 février 2024

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Van Eyck

 

 

qu'est-ce que la philosophie ?

à quoi sert-elle ?

 

  • "À quoi sert la philosophie ? À rien d'autre qu'à répondre à la question «à quoi sert de vivre ?»".

Éric Deschavanne, Pierre-Henri Tavoillot,
Philosophie des âges de la vie, 2007, éd. Pluriel, 2009, p. 28.

 

  • "La philosophie n’a pas toujours dit la même chose, certes, mais elle parle toujours de la même chose : de la réalité et de la connaissance que nous pouvons en avoir ; du sens de notre existence et de la manière dont nous pouvons la conduire."

Jean-François Pradeau, Histoire de la philosophie (dir.), 2009, p. II.

 

  • "La philosophie est l'art de former, d'inventer, de fabriquer des concepts."

Gilles Deleuze, Qu'est-ce que la philosophie ? 1991.

 

  • "La vocation première de la philosophie a toujours été de promouvoir en l'homme la conscience de lui-même et du monde, afin de réaliser, en lui et autour de lui, ce que les Grecs appelaient eudaimonia et les Romains beata vita, autrement dit une vie harmonieuse parce que conforme à sa destinée, et heureuse parce que harmonieuse."

Lucien Jerphagnon, De l'amour, de la mort, de Dieu et autres bagatelles, 2011, p. 180.

 

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- Notions et repères du programme de philo en Termnale.

- Sujets de dissertation au Bac.

prison de Socrate
prison de Socrate, Athènes

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  • Définitions                                théâtre de Milet, Asie mineure

 

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Marcel Conche été   5599   Épicure en Corrèze couv

 

unité rousseauisme titre

 

Vallois Formation influence kantienne couv

 

François Rivenc                Sémantique et vérité (1)

 

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  • les neuf volumes de L'Europe et la Profondeur, de Pierre Le Coz

L'Europe et la profondeur, Pierre Le Coz

Pierre Le Coz, 2015 (1)
Pierre Le Coz (né en 1954), en Dordogne, année 2015

 

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2 janvier 2020

l'esprit grec et l'esprit moderne, Karl Löwith

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l'esprit grec et l'esprit moderne,

Karl Löwith

 

 

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présentation éditoriale de Histoire et salut

Karl Löwith a écrit Histoire et Salut à la fin des années 1940, alors qu'il était réfugié aux États-Unis. L'ouvrage a d'abord paru en anglais, en 1949. Sa version allemande définitive date de 1953.

Il s'agissait alors de comprendre, dans le climat de la catastrophe allemande, venant après la révolution russe, les chemins qui avaient pu conduire à ces cataclysmes. La responsabilité fondamentale en incombe, pour Löwith, aux philosophies de l'histoire.

Si celles-ci se sont développées au XIXe siècle, elles possèdent des racines bien plus anciennes. L'ouvrage entreprend d'en dégager les racines chrétiennes, par une analyse régressive qui conduit de Burckhardt et Marx aux Pères de l'Église, en passant par Bossuet et Joachim de Flore. Sa conclusion est devenue classique : «La philosophie de l'histoire provient de l'eschatologie du salut.» Elle est la transposition «sécularisée» d'une théologie.

Löwith ne préconise pour autant aucun retour à une vision théologique des choses humaines. Ce sont les présupposés communs à la théologie et à la philosophie de l'histoire qu'il soumet à un examen critique. L'une comme l'autre, montre-t-il, sont irrévocablement révolues. C'est à une interrogation des fondements métaphysiques inaperçus de la rationalité occidentale qu'il en appelle.
Le lecteur français dispose désormais, avec cette traduction, d'une des contributions essentielles au débat sur la sécularisation.

 

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16 octobre 2019

Bac blanc du 16 octobre 2019 au lycée Claude Lebois de Saint-Chamond

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Bac blanc du 16 octobre 2019

au lycée Claude Lebois de Saint-Chamond

 

 

Bac blanc philo, oct 2019, lycée Cl Lebois
Le surlignage en vert a été apposé par l'élève qui m'a confié le sujet...

 

Deux questions de dissertation à l'intitulé sans surprise.

Le texte à expliquer appelle la remarque suivante : les élèves ont-ils connaissance que les thèses de l'anthropologie Margerat Mead ont été fortement controversées ? Sans ce préalable, ils liront le texte comme une démonstration du bien-fondé des théories actuelles sur le "genre" qui ne serait qu'une construction sociale, le biologique n'ayant plus de détermination...

Pour avoir un résumé des critiques apportées aux idés de Margaret Mead, voir l'article de l'anthropologue Serge Tcherkézoff, datant déjà de 1997 : "Margaret Mead et la sexualité à Samoa. Du consensus anthropologique au débat ethnographique".

 

Tcherkézoff
lire ici

 

 

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28 septembre 2019

Les philosophes grecs vus par les Grecs et par les Romains - Réflexion destinée aux élèves de Terminale…

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Les philosophes grecs

vus par les Grecs et par les Romains

Réflexion destinée aux élèves de Terminale…

 

Les Grecs avaient hésité entre deux manières d’exalter la façon d’être des philosophes. L’une figurait des marginaux capables d’élans poétiques ou d’agressions caractérisés contre la société civile. L’on y trouvera la plupart des présocratiques, personnages étonnants dont Diogène Laërce nous laisse entendre qu’ils étaient sinon un peu fous, du moins nettement «décalés». À tort ou à raison, tout en sachant que l’un ou l’autre avait, dans sa cité, des responsabilités quelconques, on ne laisse point de suivre l’Antiquité elle-même en souriant de leurs comportements aberrants, et de leurs morts souvent ridicules (il est assez connu que Thalès tomba dans un puits). Ils sont des électrons libres (Nietzsche dira du grand Héraclite que ce fut «un astre sans atmosphère») difficiles à retenir : au palmarès des Sept Sages, les places sont si chères que l’ami Diogène Laërce va jusqu’à citer onze lauréats. Et d’un Diogène l’autre, celui qui habitait une jarre et distribuait ses vents gastriques ad libitum [à volonté] n’a pas peu fait pour stipuler que le philosophe se devait d’être marginal.

D’un autre côté, l’idée d’«école philosophique» ne tarde pas à disposer une vision plus ordonnée des choses : on voit les sophistes monnayer leurs leçons, Socrate s’entourer d’une bande de disciples (assez masochistes), Pythagore installer un véritable séminaire avec noviciat, grades et confirmations, Platon (qui justement fut exclu de cet établissement) fonder, avec l’Académie, un Institut supérieur des sciences philosophiques et autres, Aristote éduquer un prince de Macédoine et organiser des promenades philosophiques par beau temps. Cette convivialité studieuse reste néanmoins en marge de la Cité, et l’on est assez encouragé à parler de «sectes» pour désigner ces écoles, qui finirent par requérir une authentique conversion, avec des modes de vie spécifiques.

Ce détachement s’accompagnait de rites divers qui ne pouvaient, a priori, que choquer un Romain. Quant à l’allure des philosophes, elle était trop négligée pour être honnête, et l’on se gaussera longtemps, à Rome, de ces exhibitionnistes à longs cheveux qui s’incrustent tels des parasites et semblent avoir pour vocation de morigéner âprement le bon bourgeois qui leur offre l’asile.

Il fallut tout le génie littéraire de Platon  -  on admira longtemps, en lui, l’artiste et le poète – pour donner une image respectable de la philosophie socratique, dont le malheur était de reposer sur une hypothèse attique : la supériorité du loisir sur le travail. Un vrai Romain a toujours quelques chose à faire, c’est ce que l’on appelle le negotium, et cela consiste à assumer pleinement ses responsabilités civiques.

Dans une journée qui commence par une série d’audiences, qui se poursuit par une visite au Forum, qui se complique par une intervention judiciaire, pour ne pas parler des jours où se tient le Sénat, où l’on vote, où l’on accomplit une cérémonie religieuse, où l’on assiste aux Jeux ; dans une vie qui est scandée par des services militaires, puis par l’obligation morale d’exercer des fonctions politiques ; le tout avec une faible espérance de vie qu’heureusement contredisent des exemples stupéfiants de longévité active (Caton le Censeur fit bien des jaloux, avec ses quatre-vingt-cinq ans !) ; et avec, tout du long, à gérer un patrimoine, des exploitations agricoles, des prêts et des emprunts… allez donc trouver le temps, comme Socrate, de vous asseoir à l’ombre d’un platane après avoir pataugé dans un ruisseau !

Tout ceci permet de comprendre que les Romains n’étaient pas des abrutis quand ils voyaient dans cet art grec de penser une manière de tuer le temps qui, certes, produisait de belles sentences, mais supposait une indifférence indécente à la seule belle et vraie chose : la vie sociale.

Dans le débat sur les «genres de vie» ; les Romains ont pu rêver aux charmes de la vie contemplative (ou théorétique) comme nous nous laissons aller à rêver aux vacances ; mais toute leur culture les orientait vers le bios pragmatikos, cette «vie de l’action» malheureusement contraignante, et cependant, à leurs yeux, infiniment plus riche ; quant à la «vie de plaisirs» (ou apolaustique), dont certains hédonistes avaient pu faire l’éloge, c’était purement et simplement un scandale.

Mais cette attitude nous permet également de nous demander si, en nos temps furieusement socialisés et nécessairement obsédés par le travail et son rendement, pour esquisser une réponse à la traditionnelle question initiale de l’année de terminale : «Qu’est-ce que la philosophie ?», il est bon de précipiter des jeunes gens dans Platon : ce serait oublier que nous avons-là, répétons-le, une idéologie de la fonction philosophique peu susceptible de présenter l’apprentissage du questionnement comme une exigence culturelle profonde dans le monde contemporain.

Cette pédagogie sublimante, qui en fin de compte mise sur l’illumination, nécessite de grandes précautions, et d’éclairants prolégomènes. Faute de quoi, l’intimité avec la manière de penser de Platon n’étant pas évidente, «l’homme philosophique» risque d’apparaître à bien des esprits juvéniles sous les traits allégoriques d’un spéléologue en grand effarement devant un spectacle de marionnettes inopiné. Il est sans doute des accès moins exotiques à la philosophie, hic et nunc

Rome, le temps, les choses, Jacques Gaillard, 1995
p. 131-134.

 

 

Diogène Laërce, IIIe siècle ap. J.-C.

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Diogène, le philosophe (404-323 av. J.-C.)

 

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24 septembre 2019

Platon : sommaire des articles

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19 septembre 2019

Hegel

16 septembre 2019

les caractéristiques du totalitarisme

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les caractéristiques du totalitarisme

Marc Le Ny, à propos de Hannah Arendt

 

La loi totalitaire

Le régime totalitaire se différencie de la tyrannie et de la république. Au contraire de la tyrannie qui suspend la loi et livre les citoyens à l’arbitraire d’un pouvoir autocratique, le régime totalitaire institue des lois nouvelles. Mais la loi totalitaire ne ressemble pas à la loi des régimes républicains ou constitutionnels. Le régime totalitaire ne se caractérise pas non plus par l’absence de loi des régimes tyranniques. La loi totalitaire est inédite et extraordinaire.

Son ambition exorbitante est de réaliser les lois de la nature, à travers l’idéologie du racisme pour le régime nazi, ou de l’histoire, dans le cas de l’idéologie de la lutte des classes du régime stalinien. Les lois de ces deux régimes prétendent à une «légitimité totalitaire» (Les Origines du totalitarisme) tout à fait particulière pour trois raisons principales.

Premièrement, elles sont au-dessus de toute loi positive ; deuxièmement, elles prennent l’espèce humaine comme objet de leur législation, et non le caractère individuel et singulier ces situations qu’une loi ordinaire règle ; enfin, troisièmement, les lois totalitaires sont des lois du mouvement. Dans l’affirmation de leur autorité absolue, les lois totalitaires ont une «prétention monstrueuse» (ibidem) : celle de justifier idéologiquement la terreur.

 

La terreur

La terreur est un phénomène politique rare – même s’il y a d’autres occurrences comme la Terreur, en 1793 ou la question contemporaine du terrorisme -, caractéristique des régimes totalitaires. Arendt définit ainsi la terreur : elle est «la réalisation d’une loi du mouvement, dont la fin ultime n’est ni le bien-être des hommes ni l’intérêt d’un seul homme mais la fabrication du genre humain» (Les Origines du totalitarisme).

Par conséquent, la terreur n’est ni la loi républicaine, qui vise le bien commun, ni la loi d’un régime autocratique, qui vise la domination tyrannique de celui qui concentre le pouvoir dans ses mains. Au détriment de toute situation humaine singulière, la loi totalitaire applique à l’espèce humaine la nécessité absolue des lois de la nature ou de l’histoire, nécessité qu’elle prétend scientifiquement connaître, et ce faisant sacrifie les «parties» au profit du «tout» - nécessité absolue qui s’impose à tous et exige le crime. Quand la légalité se charge de réaliser le devenir historique ou naturel de l’espèce humaine, elle devint terreur et détruit non seulement toutes les libertés civiles mais également la spontanéité humaine la plus fondamentale, la source même de la liberté.

 

L’idéologie

Le totalitarisme nous révèle la puissance nouvelle du phénomène de l’idéologie dans le domaine politique. Nombreux sont les penseurs du XXe siècle qui tentent d’en analyser les différents aspects. Pour Arendt, le propre d’une idéologie est d’être un discours logique – la logique d’une idée – qui s’émancipe et protège de la réalité.

L’idéologie «procède avec une cohérence qui n’existe nulle part dans le domaine de la réalité» (Les Origines du totalitarisme) et, cependant, elle prétend tout expliquer. Ainsi le régime nazi admit la destruction d’êtres humains innocents comme conséquence «logique» des prémices de son idéologie raciste. La cohérence logique d’une idéologie est inapte à rendre compte de la réalité toujours nouvelle et inattendue.

 

La désolation de l’individu et les camps

Le propre des régimes totalitaires est cette association de la terreur et de l’idéologie qui détruit radicalement toute possibilité d’existence d’un monde commun entre les individus, toute possibilité d’un espace public pour les citoyens, effaçant même les conditions existentielles de l’humanité. L’individu, sous le régime totalitaire, est fondamentalement désolé, séparé des autres et rendu impuissant par le mouvement de la terreur et de l’idéologie. Dès lors, pour Arendt, les camps d’extermination ne sont pas «extérieurs» à l’essence du régime. Ils en sont un aspect fondamental.

Marc Le Ny, Découvrir la philosophie contemporaine,
éd. Eyrolles, 2009, p. 166-167

 

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16 septembre 2019

explication d'un texte du "Gorgias" de Platon, par Mathias Roux (philomag.com)

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explication d'un texte du Gorgias de Platon

par Mathias Roux

 

Expliquez ce texte :

SOCRATE : Celui qui garde son injustice au lieu d’en être délivré est le plus malheureux de tous.

POLOS : Cela semble certain.

SOCRATE : N’est-ce pas précisément le cas de l’homme qui, tout en commettant les crimes les plus abominables, et en vivant dans la plus parfaite injustice, réussit à éviter les avertissements, les châtiments, le paiement de sa peine, comme tu dis qu’y est parvenu cet Archélaos*, ainsi que tous les tyrans, les orateurs et les hommes d’État les plus puissants ?

POLOS : C’est vraisemblable

SOCRATE : Quand je considère le résultat auquel aboutissent les gens de cette sorte, je les comparerais volontiers à un malade qui, souffrant de mille maux très graves, parviendrait à ne point rendre de comptes aux médecins sur ses maladies et à éviter tout traitement, craignant comme un enfant l’application du fer et du feu** parce que cela fait mal. N’est-ce point ton avis ?

POLOS : Tout à fait.

SOCRATE : C’est sans doute qu’il ne saurait pas le prix de la santé et d’une bonne constitution. À en juger par les principes que nous avons reconnus vrais, ceux qui cherchent à ne pas rendre de comptes à la justice, Polos, pourraient bien être également des gens qui voient ce qu’elle comporte de douloureux mais qui sont aveugles à ce qu’elle a d’utile, et qui ne savent pas combien il est plus lamentable de vivre avec une âme malsaine, c’est-à-dire corrompue, injuste et impure, qu’avec un corps malsain. De là tous leurs efforts pour échapper à la punition, pour éviter qu’on les débarrasse du plus grand des maux.

PLATON, Gorgias (autour de 387 av. J.-C.)

* Archélaos : tyran dont Polos a affirmé qu’il est heureux puisque son pouvoir lui permet de faire tout ce qui lui plaît sans avoir de comptes à rendre à personne.

** l’application du fer et du feu : techniques médicales de soin

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

 

1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie

La thèse de ce texte est originale : Socrate amène son interlocuteur à reconnaître que celui qui commet l’injustice et qui en tire des bénéfices est, en réalité, plus malheureux encore que sa victime. Ou pour le dire autrement, l’injuste est aussi victime de son injustice. Cette thèse s’accorde bien à une autre remarque de Socrate selon laquelle il vaut mieux subir l’injustice que de la commettre.

Pour Socrate, échapper à la punition n’est pas une chance mais une tragédie. Pour le montrer, il fait un parallèle avec le cas de la maladie : quand on est malade, rien de mieux ne peut nous arriver que d’être guéri, même si le traitement est douloureux. Il en est de même avec l’injustice : le châtiment nous guérit de l’injustice en nous faisant connaître en quoi consiste la justice.  

 

2. a) En vous appuyant sur l’exemple d’Archélaos, expliquez pourquoi celui «qui garde son injustice au lieu d’en être délivré est le plus malheureux de tous».

L’homme injuste est avant tout un homme intempérant qui ne sait pas réguler ses désirs pour les rendre compatibles avec les règles de la justice. C’est un homme malheureux car dominé par ses pulsions et son caractère. C’est aussi un homme ignorant qui ne sait pas que les principes de la justice ne sont pas arbitraires et imposés comme une contrainte extérieure à l’homme mais qu’ils représentent les conditions de réalisation d’une harmonie à la fois sociale et individuelle. L’individu vivant selon les principes de justice ne se contente pas d’agir en conformité avec les règles et les lois pour ne pas avoir de problèmes : il donne aussi à son existence propre une mesure, une tempérance qui lui permet de maîtriser ses désirs et se rendre heureux.

L’exemple du tyran n’est pas pris par hasard : avant de tyranniser les autres, il est tyrannisé par ses propres désirs. Voulant tout, tout le temps, tout de suite, il n’est jamais satisfait et semble le jouet de ses pulsions.

        b) Expliquez en quoi l’homme injuste est semblable à un malade.

L’homme injuste est semblable à un malade si l’on se représente la maladie comme un état de déséquilibre du corps. Lorsqu’on est malade, certaines fonctions corporelles ne s’accomplissent plus aussi bien et éveillent la douleur. La bonne santé, au contraire, s’apparente au fonctionnement harmonieux de toutes les parties du corps entre elles.

Mais, surtout, comme le suggère le texte, le malade comme l’homme injuste ont tendance à essayer de fuir ce qui est bon pour eux. En effet, le malade redoute souvent la douleur liée au traitement : par ignorance, il ne perçoit le traitement qu’à court terme, c’est-à-dire avant tout comme une douleur, il est incapable d’envisager la guérison à moyen terme. Comme quelqu’un qui refuserait la piqure d’antidote contre la morsure mortelle du serpent sous prétexte qu’il a peur de l’aiguille !

 

3. Celui qui vit dans l'injustice et qui cherche à échapper à la punition est-il le plus malheureux des hommes ?

Sur cette question, les avis peuvent apparaître partagés. Nous avons tous en tête l’image du gangster en cavale, brûlant la vie par les deux bouts, dépensant son argent, vivant pour le risque, l’adrénaline et l’argent facile. Les mythes de Scarface ou de Mesrine fascinent encore et toujours, comme on s’en aperçoit avec le succès des films qui leur sont consacrés. Il semble que, si leur vie est en partie difficile car faite de peur et de fuite, ils ne sont pas, pour autant, les plus malheureux des hommes.

De plus, si cela était le cas, il irait aussi de soi, à l’inverse, que les hommes qui respectent bien toutes les règles et tous les principes sont de loin les plus heureux. Or ce n’est pas avéré non plus. On peut, malheureusement, être un parfait honnête homme et frappé par le malheur, tant l’expérience prouve que la vie ne récompense pas, hélas, nécessairement les plus méritants et les plus justes.

Pourtant, et telle est la conviction de Socrate, la justice est un bien qui, quand on le possède, permet d’affronter davantage les difficultés de l’existence. En effet, être fier de soi et de son comportement, mettre en harmonie ses principes et son action procurent un contentement réel. À l’inverse, le bandit sait que ce qu’il possède n’est pas solide et peut lui être retiré à tout moment : il peut tout perdre, il vit dans la peur de la sanction et cet état n’est pas compensé par la certitude de sa droiture. Ses biens ne sont donc pas durables, contrairement à l’homme qui vit selon les principes de la justice. C’est la raison pour laquelle il est possible d’affirmer que son bonheur n’est qu’apparent et qu’il est à plaindre car il est ignorant de sa véritable situation. Il est, pour cette raison, le plus malheureux des hommes. 

par Mathias Roux

Normalien et agrégé de philosophie, Mathias Roux enseigne au lycée Victor-Louis, à Talence (Gironde). Il s’est intéressé à des sujets aussi divers que le sport (Socrate en crampons. Une introduction sportive à la philosophie, Flammarion, 2010) et la politique (J’ai demandé un rapport. La politique est-elle une affaire d’experts ? Flammarion, 2011). Il vient de publier S’estimer soi-même avec Descartes (Eyrolles, 2016).

Mathias Roux

source : philomag.com

 

 

 

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7 septembre 2019

une idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl : l’intentionnalité (Jean-Paul Sartre, 1939)

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Jean-Paul Sartre en 1939 (photo. Gisèle Freund)

 

une idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl :

l’intentionnalité

Jean-Paul Sartre, 1939

 

«Il la mangeait des yeux». Cette phrase et beaucoup d’autres signes marquent assez l’illusion commune au réalisme et à l’idéalisme, selon laquelle connaître, c’est manger. La philosophie française, après cent ans d’académisme, en est encore là. Nous avons tous lu Brunschvicg, Lalande et Meyerson, nous avons tous cru que l’Esprit-Araignée attirait les choses dans sa toile, les couvrait d’une bave blanche et lentement les déglutissait, les réduisait à sa propre substance. Qu’est-ce qu’une table, un rocher, une maison ? Un certain assemblage de «contenus de conscience», un ordre de ces contenus.

Ô philosophie alimentaire ! Rien ne semblait pourtant plus évident : la table n’est-elle pas le contenu actuel de ma perception, ma perception n’est-elle pas l’état présent de ma conscience ? Nutrition, assimilation. Assimilation, disait M. Lalande, des choses aux idées, des idées entre elles et des esprits entre eux. Les puissantes arêtes du monde étaient rongées par ces diligentes diastases (1) : assimilation, unification, identification. En vain, les plus simples et les plus rudes parmi nous, cherchaient-ils quelque chose de solide, quelque chose, enfin, qui ne fût pas l’esprit ; ils ne rencontraient partout qu’un brouillard mou et si distingué : eux-mêmes.

Contre la philosophe digestive de l’empiriocriticisme, du néo-kantisme, contre tout «psychologisme», Husserl ne se lasse pas d’affirmer qu’on ne peut pas dissoudre les choses dans la conscience. Vous voyez cet arbre-ci, soit. Mais vous le voyez à l’endroit même où il est : au bord de la route, au milieu de la poussière, seul et tordu sous la chaleur, à vingt lieues de la côte méditerranéenne. Il ne saurait entrer dans votre conscience, car il n’est pas de même nature qu’elle.

Vous croyez ici reconnaître Bergson et le premier chapitre de Matière et Mémoire. Mais Husserl n’est point réaliste : cet arbre sur son bout de terre craquelé, il n’en fait pas un absolu qui entrerait, par après, en communication avec nous. La conscience et le monde sont donnés d’un même coup : extérieur par essence à la conscience, le monde est, par essence, relatif à elle.

C’est que Husserl voit dans la conscience un fait irréductible qu’aucune image physique ne peut rendre. Sauf, peut-être, l’image rapide et obscure de l’éclatement. Connaître, c’est «s’éclater vers», s’arracher à la moite intimité gastrique pour filer, là-bas, par-delà soi, vers ce qui n’est pas soi, là-bas, près de l’arbre et cependant hors de lui, car il m’échappe et me repousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu’il ne peut se diluer en moi : hors de lui, hors de moi.

Est-ce que vous ne reconnaissez pas dans cette description vos exigences et vos pressentiments ? Vous saviez bien que l’arbre n’était pas vous, que vous ne pouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres et que la connaissance ne pouvait pas, sans malhonnêteté, se comparer à la possession.

Du même coup, la conscience s’est purifiée, elle est claire, comme un grand vent, il n’y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ; si, par impossible, vous entriez «dans»  une conscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejeté au-dehors, près de l’arbre, en pleine poussière, car la conscience n’a pas de «dedans» ; elle n’est rien que le dehors d’elle-même et c’est cette fuite absolue, ce refus d’être substance qui la constituent comme une conscience.

Imaginez à présent une suite liée d’éclatements qui nous arrachent à nous-mêmes, qui ne laissent même pas à un «nous-mêmes» le loisir de se former derrière eux, mais qui nous jettent au contraire au-delà d’eux, dans la poussière sèche du monde, sur la terre rude, parmi les choses ; imaginez que nous sommes ainsi rejetés, délaissés par notre nature même dans un monde indifférent, hostile et rétif ; vous aurez saisi le sens profond de la découverte que Husserl exprime dans cette fameuse phrase : «Toute conscience est conscience de quelque chose».

Il n’en faut pas plus pour mettre un terme à la philosophie douillette de l’immanence, où tout se fait par compromis, échanges protoplasmiques, par une tiède chimie cellulaire. La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand-route, au milieu des menaces, sous une aveuglante lumière.

Être, dit Heidegger, c’est être-dans-le-monde. Comprenez cet «être-dans» au sens de mouvement. Être, c’est s'éclater dans le monde, c’est partir d’un néant de monde et de conscience pour soudain s’éclater-conscience-dans-le-monde. Que la conscience essaye de se reprendre, de coïncider enfin avec elle-même, tout au chaud, volets clos, elle s’anéantit. Cette nécessité pour la conscience d’exister comme conscience d’autre chose que soi, Husserl la nomme «intentionnalité».

J’ai parlé d’abord de la connaissance pour me faire mieux entendre : la philosophie française, qui nous a formés, ne connaît plus guère que l’épistémologie. Mais, pour Husserl et les phénoménologues, la conscience que nous prenons des choses ne se limite point à leur connaissance.

La connaissance ou pure «représentation» n’est qu’une des formes possibles de ma conscience «de» cet arbre ; je puis aussi l’aimer, le craindre, le haïr, et ce dépassement de la conscience par elle-même, qu’on nomme «intentionnalité», se retrouve dans la crainte, la haine et l’amour. Haïr autrui, c’est une manière encore de s’éclater vers lui, c’est se trouver soudain en face d’un étranger dont on vit, dont on souffre d’abord la qualité objective de «haïssable». Voilà que, tout d’un coup, ces fameuses réactions «subjectives», haine, amour, crainte, sympathie, qui flottaient dans la saumure malodorante de l’Esprit, s’en arrachent ; elles ne sont que des manières de découvrir le monde.

Ce sont les choses qui se dévoilent soudain à nous comme haïssables, sympathiques, horribles, aimables. C’est une propriété de ce masque japonais que d’être terrible, une inépuisable, irréductible propriété qui constitue sa nature même, - et non la somme de nos réactions subjectives à un morceau de bois sculpté.

Husserl a réinstallé l’horreur et le charme dans les choses. Il nous a restitué le monde des artistes et des prophètes : effrayant, hostile, dangereux, avec des havres de grâce et d’amour. Il a fait la place nette pour un nouveau traité des passions qui s’inspirerait de cette vérité si simple et si profondément méconnue par nos raffinés : si nous aimons une femme, c’est parce qu’elle est aimable. Nous voilà délivrés de Proust. Délivrés en même temps de «vie intérieure» ; en vain chercherions-nous, comme Amiel, comme une enfant qui s’embrasse l’épaule, les caresses, les dorlotements de notre intimité, puisque finalement tout est dehors, tout, jusqu’à nous-mêmes : dehors, dans le monde, parmi les autres. Ce n’est pas dans je ne sais quelle retraite que nous nous découvrirons : c’est sur la route, dans la ville, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes.

Jean-Paul Sartre, La Nouvelle Revue Française, janvier 1939
in, Sartre, Situations philosophiques, Tel-Gallimard, 1990, p. 9-12.

 

 1 – Diastase : ici, ferment, germination.

 

Husserl, portrait
Husserl (1859-1938)

 

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Dans ce texte, Sartre défend les idées de Husserl contre la philosophie universitaire française, contre le «psychologisme» : on ne peut pas dissoudre les choses dans la conscience, la conscience pas pas de «dedans», la conscience n'est qu'un mouvement : Toute conscience est conscience de quelque chose» (Husserl).

Les prétendues réactions «subjectives», haine, amour, crainte, sympathie, qu'on situait dans l’Esprit, n'y sont pas. «Ce sont les choses qui se dévoilent soudain à nous comme haïssables, sympathiques, horribles, aimables. C’est une propriété de ce masque japonais que d’être terrible, une inépuisable, irréductible propriété qui constitue sa nature même, - et non la somme de nos réactions subjectives à un morceau de bois sculpté».

 

 

 

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  • une évocation critique de ce passage de Sartre par Emmanuel Falque, professeur de philosophie et doyen de la Faculté de philosophie de l'Institut catholique de Paris, dans ces extraits de son livre Triduum philosophique (2015).

 

Capture d’écran 2019-09-07 à 19

 

Triduum 1

Triduum 2

Triduum 3

Triduum 4

Triduum 5

Emmanuel Falque
Emmanuel Falque

 

 

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3 septembre 2019

l'histoire dans la philosophie de Hegel, Maurice Merleau-Ponty (1952)

Merleau-Ponty
Maurice Merleau-Ponty, 1908-1961

 

l'histoire dans la philosophie de Hegel

Maurice Merleau-Ponty (1952)

 

On défend la philosophie et l’on défend l’histoire, comme des traditions rivales. Les fondateurs, qui les vivaient, ne trouvaient par tant de difficultés à les faire coexister en elles-mêmes. Car, prises à l’état naissant, dans la pratique humaine, elles ne font pas alternative, elles croissent et décroissent ensemble.

Hegel les avait déjà identifiées en faisant de la philosophie l’intellection de l’expérience historique et de l’histoire le devenir de la philosophie. Mais le conflit n’était que masqué : la philosophie restant pour Hegel savoir absolu, système, totalité, l’histoire dont parle le philosophe n’est pas sérieusement l’histoire, c’est-à-dire quelque chose qu’on fasse, c’est l’histoire universelle, comprise, accomplie, morte. Inversement, l’histoire, étant pur fait ou événement, introduit dans le système auquel on l’incorpore un mouvement intérieur qui le déchire.

Les deux points de vue restent vrais pour Hegel, et l’on sait qu’il a soigneusement maintenu l’équivoque.

Tantôt le philosophe apparaît chez lui comme le simple lecteur qu’une histoire déjà faite, l’oiseau de Minerve qui ne sort qu’à la fin du jour et quand le travail historique est terminé, et tantôt il semble être le seul sujet de l’histoire, puisqu’il est le seul à ne pas la subir et à la comprendre en l’élevant au concept.

En réalité, l’équivoque joue au profit du philosophe : l’histoire ayant été mise en scène par lui, il ne trouve en elle que le sens qu’il y avait déjà placé et il ne s’incline que devant lui-même.

C’est peut-être à Hegel qu’il faudrait appliquer ce que dit Alain des plus subtils marchands de sommeil, ceux qui "offrent un sommeil dont les rêves sont justement le monde". L’histoire universelle de Hegel est le rêve de l’histoire.

Comme dans les rêves, tout ce qui est pensé est réel, tout ce qui est réel est pensé. Il n’y a rien à faire pour les hommes qui ne soit déjà compris dans l’envers des choses, dans le système. Et le philosophe leur fait bien cette concession d’admettre qu’il ne peut rien penser qui n’ait déjà été fait par eux, il leur accorde ainsi le monopole de l’efficience. Mais, comme il se réserve celui du sens, c’est dans le philosophe, et en lui seul, que l’histoire rejoint son sens. C’est le philosophe qui pense et décrète l’identité de l’histoire et de la philosophie, ce qui revient à dire qu’il n’y a pas d’identité.

Maurice Merleau-Ponty, Éloge de la philosophie (1952),
conférence inaugurale au Collège de France,
Folio, 1989/2008, p. 51-52.

 

Hegel
Hegel, 1770-1831

 

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