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Philosophiques

17 avril 2017

Robert Derathé : biographie

Derathé couv (1)

 

 

Robert Derathé : biographie

 

J'ai créé la page d'une encyclopédie en ligne consacrée au philosophe Robert Derathé (1905-1992), spécialiste de la philosophie politique de Rousseau, auteur du célèbre Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps (1950).

J'en édite ici la copie dans sa version première, c'est-à-dire avant toute modification intempestive de quelque wikipédien farfelu qui, faute d'avoir effectué la travail, s'ingéniera à réduire les citations au profit d'une paraphrase bidouillée, à supprimer ceci ou cela, à tripatouiller plutôt qu'à enrichir l'article...

* Cliquer sur les images pour les agrandir.

Michel Renard

 

Derathé Wikipédia (1)

Derathé Wikipédia (2)

Derathé Wikipédia (3)

Derathé Wikipédia (4)

Derathé Wikipédia (5)

 

Derathé couv (2)
Robert Derathé, Le rationalisme de J.-J. Rousseau, Puf, 1948

 

Derathé acte de naissance
acte de naissance de Robert Derathé, 20 décembre 1905,
et mentions marginales de son mariage et de son décès (archives municipales de Besançon)

 

librairie Alfred Derathé
papier entête de la librairie d'Alfred Derathé à Besançon, 1908

 

librairie papeterie Alfred Derathé relevé de compte
librairie papeterie Alfred Derathé à Besançon, 1913

 

Principes du droit naturel, Burlamaqui
Jean-Jacques Burlamaqui, Principes du droit naturel, 1747

 

Jean-Jacques Rousseau en sage tenant le Contrat social
Jean-Jacques Rousseau en sage, tenant le Contrat social,
carte à jouer, avant 1800

 

 

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15 avril 2017

Descartes - présentation des Méditations métaphysiques, par Marie-Frédérique Pellegrin

Méditation (couv 1)

 

Descartes,

Méditations métaphysiques

présentation, par Marie-Frédérique Pellegrin

 

Méditation (couv 2)

Méditations présentation (1)

Méditations présentation (2)

Méditations présentation (3)

Méditations présentation (4)

Méditations présentation (5)

Méditations présentation (6)

Méditations présentation (7)

Méditations présentation (8)

Méditations présentation (9)

Méditations présentation (10)

Méditations présentation (11)

Méditations présentation (12)

Méditations présentation (13)

Méditations présentation (14)

Méditations présentation (15)

 

Méditations présentation (16)

Marie-Frédérique Pellegrin

Marie-Frédérique Pellegrin

 

Sorbonne Pascal et Descartes

 

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14 avril 2017

l'épistémologie de Descartes, par Antoinette Virieux-Reymond

Opera philosophica couv

 

 

l'épistémologie de Descartes

par Antoinette Virieux-Reymond (1986)

 

Tant de travaux bien faits et intéressants ont été consacrés à Descartes que nous ne visons ici qu’à rappeler un ou deux points.

Dans la pensée cartésienne, l’épistémologie ne se détache pas de la métaphysique. Dans la mesure où toutes les sciences consistent dans une connaissance par l’esprit (1), il y a une seule science qui se construit grâce à deux opérations mentales : l’intuition ou le fait de voir l’être ou la proposition cherchés sans intermédiaire, être ou proposition que nous ne pouvons expliquer d’une manière plus simple (Descartes dit «immédiate») ; la déduction ou inférence (illatio) qui est le passage d’un terme à l’autre sans interruption.

Mais cette déduction doit s’opérer suivant la méthode exposée dans le Discours de la Méthode. Les règles de cette méthode présentes à l’esprit de tout lecteur francophone (2), suivent l’ordre des raisons et non des matières : dans cette recherche, l’algèbre est la clé de toutes les sciences. Les Anciens Grecs avaient inventé une sorte d’algèbre géométrique résolvant les problèmes numériques par voie graphique (3) ; seulement lorsque les nombres deviennent très grands, les dessins deviennent trop compliqués et l’entendement ne peut plus suivre ; Diophante avait inauguré la tradition de l’algèbre calculante. Descartes veut donc les unir dans une méthode qui conservera les avantages des deux méthodes : que ce soit sous forme spatiale ou sous forme numérique, les mathématiques étudient des rapports.

Par ailleurs, Descartes généralise la notion de dimension : non seulement la longueur, la largeur et la profondeur sont des dimensions mais en outre la pesanteur est la dimension suivant laquelle les choses sont pesées ; la vitesse est la dimension du mouvement, et ainsi de suite pour un grand nombre de dimensions semblables. Tout mode de division en parties égales, qu’il soit effectif ou intellectuel, constitue une dimension suivant laquelle se fait la numération.

 

Descartes à son bureau
Descartes, 1596-1650

 

Dans les Étapes de la philosophie mathématique, Léon Brunschvicg cite ce passage : «Autant de dimensions dans un problème, autant d’éléments quantitatifs dont le mesure peut être naturellement indiquée par une représentation spatiale.» (4) Cette généralisation de la notion de dimension permettra à Descartes de recourir à la géométrie analytique pour traduire les variations des phénomènes les plus complexes.

La pensée cartésienne forme une philosophie-bloc où métaphysique et épistémologie ne font qu’un et rayonnent autour du cogito (5) : «L’effort du cartésianisme, écrit Martial Gueroult, s’engage donc, dès le début, vers la constitution d’un système total du savoir certain, à la fois métaphysique et scientifique, système fondamentalement différent du système aristotélicien, puisque entièrement immanent à la certitude mathématique enveloppée dans l’intellect clair et distinct, mais non moins total et plus strict encore dans son exigence de rigueur absolue.

Cette totalité de système n’est nullement celle d’une encyclopédie des connaissances matériellement acquises, mais l’unité fondamentale des principes premiers d’où découlent toutes les connaissances certaines possibles.» (6)

Pour Descartes, comme pour les stoïciens, la saisie du jugement se fait dans l’instant : pour le Portique (a), à l’instant T, je sais que ma pensée coïncide vraiment avec son objet ; chez Descartes le critère d’évidence du cogito se saisit aussi dans l’instant. Cependant, pour qu’il y ait science, il faut qu’il y ait permanence de ces vérités saisies instantanément : comme l’hypothèse du Malin Génie (b) a pu être heureusement écartée et que Dieu est bon, il nous garantira la permanence des vérités éternelles des mathématiques, la science devient donc possible.

De même l’immutabilité divine est nécessaire en mécanique car Dieu garde constantes les quantités de mouvement et de repos qu’il a créées. Les principes de la philosophie affirment la loi de conservation de l’état où se trouve le corps (le mouvement et le repos sont tous deux des états, des manières d’être des corps) : s’il est mû il tendra à conserver son mouvement et s’il est en repos, il a tendance à y rester. Par ailleurs, le repos est considéré comme un état de mouvement zéro, mais comme possédant aussi une certaine quantité de repos qui résiste à la mise en mouvement du corps. La deuxième loi note qu’en chaque point de sa trajectoire, le mobile a tendance à quitter, tangentiellement, selon une ligne droite, sa trajectoire lorsque celle-ci est curviligne. Quant à la troisième loi sur les chocs entre les corps, elle a été déclarée fausse mais aussi instructif que soit le cheminement de la pensée de Descartes, même quand il se trompe, cela nous entraînerait trop loin de la suivre.

Aussi certaine que soit la science construite selon la mathesis universelle, elle ne permet d’atteindre le fait singulier que d’une manière approchée : Descartes dit lui-même qu’en fait il n’y a jamais d’objet tout à fait conforme à ceux idéalement représentés dans les équations mais cette approximation est amplement suffisante si nous avons à agir sur ces objets (7).

Le recours à l’expérimentation est recommandé par Descartes (qui fut un très bon expérimentateur) à une double fin : 1) pour savoir quels sont ceux des possibles qui ont été réalisés par Dieu : 2) pour remonter, à partir des effets constatés grâce aux expériences faites, jusqu’aux causes supposées qui ont produit ces effets (8).

On a vu, que dans la mécanique cartésienne, le recours à l’instant joue un rôle primordial puisqu’à chaque instant, l’on fait coïncider matière, espace et temps.

Nous avons déjà signalé une ressemblance entre Descartes et les stoïciens ; il y en a une autre que nous allons indiquer : l’entendement est dirigé par une exigence de clarté et d’évidence interne dans les deux systèmes. Dans les deux systèmes, il y a saisie immédiate des jugements vrais mais il n’y a de science que par la concaténation continue de ces jugements, enchaînement dont la vérité est garantie, chez les stoïciens, par le fait que la raison humaine n’est rien d’autre qu’une partie de l’esprit divin, plongée dans le corps humain (Sénèque ép. 66,12) ; chez Descartes, elle est garantie par la bonté et l’immutabilité divines ; pour les deux systèmes, l’erreur s’introduit lorsque l’âme donne son assentiment avec trop de précipitation.

Pour les stoïciens, le Cosmos est en perpétuel mouvement et ce mouvement est toujours un acte et jamais un passage à l’acte comme chez Aristote ; de même, chez Descartes, à chaque instant, le mouvement est pleinement un acte (l’acte désignant l’état atteint par un être qui a achevé sa croissance). Y a-t-il simple coïncidence ou influence grâce à Suarez [1548-1617] dont l’étude faisait partie du programme enseigné à La Flèche lorsque Descartes y était élève ? (9).

Quoi qu’il en soit de la filiation possible de l’épistémologie cartésienne à l’égard de celle du Portique, elle n’en reste pas moins d’une grande originalité. René Dugas [1897-1957] analyse nettement les raisons de son succès : l’intérêt de l’œuvre de Descartes «réside tout entier dans l’édification d’un système complet destiné à se substituer intégralement à la doctrine de l’École, système dont toutes les qualités et formes substantielles seront bannies, et cela au profit d’un mécanisme universel qui ne veut connaître que trois concepts : l’étendue, paradoxalement identifiée à la substance, la figure et le mouvement.

C’est donc dans cette réduction du nombre de concepts que le système de Descartes trouve à la fois son originalité profonde, sa justification, sa véritable utilité. Si cette haute leçon a fait école, c’est qu’elle venait offrir la possibilité d’une explication mécanique de tous les phénomènes du monde sensible et constituait un levier extrêmement puissant de la recherche scientifique» (10). Descartes renouait ainsi avec le rêve de géométrisation du réel de Platon, mais grâce à sa mise au point de l’algèbre, outil d’une réelle universalité et grâce à la généralisation de la notion de dimension, réellement tous les phénomènes, même ceux qui étaient mouvants, pouvaient prendre place dans l’édifice scientifique aussi bien que les réalités statiques.      

Antoinette Virieux-Reymond,
Les grandes étapes de l'épistémologie jusqu'à Kant,
éd. Patiño, Genève, 1986, p. 83-89.

 

Virieux-Reymond couv 

 

1 - Cf. Regulae ad directionem ingenii Regula I (éd. Adam et Tannery).
2 - Léon Meynard a donné une édition du Discours de la méthode extrêmement utile aux débutants en philosophie (Paris, éd. Foucher, 1953).
3 - Cf. notre Introduction à l’épistémologie, p. 15.
4 - Léon Brunschvicg (1869-1944), Les Étapes de la philosophie mathématique, p. 111 (Paris, Alcan, 1912). [Dans le livre, il y a une erreur : l’auteur parle des Étapes de la pensée mathématique… j'ai corrigé]
5 - Sur l’interprétation du cogito comme vérification d’une hypothèse métaphysique, cf. Arnold Reymond, Philosophie spiritualiste, I, p. 39 et suiv. (Paris, Vrin ; Lausanne Rouge, 1942). Sur  Descartes épistémologue, outre les ouvrages cités, cf. André Lalande, Les théories de l’induction… en particulier p. 90 (Paris, Boivin, 1929).
6 – Martial Gueroult, Descartes selon l’ordre des raisons, p. 18 (Paris, Aubier, 1958).
7 - Cf. lettre 207 : «Car de dire qu’on ne doit pas supposer que la balle n’ait ni pesanteur ni figure, etc., c’est montrer qu’on ne sait pas ce que c’est que science»… Ainsi donc le fait scientifique est construit, idéalisé.
8 - Cf. Gaston Milhaud (1858-1918), Descartes savant, passim (Paris, Alcan, 1921). Élie Denissoff (1893-1971) a consacré un ouvrage important à montrer en Descartes le premier théoricien de la physique mathématique (Paris-Louvain, 1970). Dans le deuxième essai, l’auteur vise à prouver, par l’analyse du Discours de la méthode qu’en fait sa physique était inductive et sa méthode positive (postface).
9 - Sur l’influence stoïcienne sur Suarez, cf. Eleuterio Elorduy (1896-1990), La lógica del Estoica (Revista filosofia III, n° 8 et 9, Madrid, 1944). Sur le fait que la doctrine suarezienne était enseignée et commentée à La Flèche, cf. Étienne Gilson, Études sur le rôle de la pensée médiévale dans la formation du système cartésien, p. 30 (Paris, Vrin, 1930).
10 - René Dugas, La mécanique au XVIIe siècle (Des antécédents scolastiques à la pensée classique), p. 200 (Neufchâtel, Griffon, 1954).
11 - Cf. Pierre Gassendi, Dissertations en forme de paradoxes contre les Aristotéliciens (éditées, traduites du latin et annotées par Bernard Rochot [1900-1971], Paris, Vrin, 1959).

  • Les notes ci-dessus sont de l'auteur mais quelques précisions ou corrections ont été apportées. Les deux notules ci-dessous ont également été ajoutées.

a - Le Portique est l’école fondée à Athènes par Zénon de Cition, entre 304 et 301 av. notre ère, dont est issu le stoïcisme.
b - Pour Descartes, le Malin Génie - qui me pousserait à percevoir une réalité inexistante - est une hypothèse de pensée conçue comme une étape dans l’usage du doute avant de parvenir à la certitude de mon existence (cogito).

 

Brunschvicg Étapes philosophie mathématique
Les étapes de la philosophie mathématique,
Léon Brunschvicg, 1912

 

Léon Brunschvicg portrait
Léon Brunschvicg, 1869-1944

 

 

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9 avril 2017

philosophie de Bergson : liste des articles

8 avril 2017

lire autrement un Bergson différent

Bergson chaise jardin

 

 

Lire Bergson et Écrits philosophiques :

lire autrement un Bergson différent

 

  • Longtemps caricaturé comme un théoricien réactionnaire et obsolète, le philosophe connaît aujourd'hui un vrai retour en grâce. Sa pensée apparaît de nouveau centrale, nourrissant le travail des jeunes générations. De cette vivacité retrouvée témoignent une nouvelle édition critique de ses oeuvres ainsi que plusieurs essais qui lui sont consacrés.

La gloire de Bergson par Azouvi couv

Étonnant destin que celui de l'oeuvre d'Henri Bergson (1859-1941). Dès le début, elle rencontre une audience inhabituelle. Durant les premières années du XXe siècle, cet homme frêle, modeste, presque timide, devient une star. Le mot n'existe pas encore, mais ce philosophe, qui scrute la conscience comme le chimiste explore une molécule, est soudain au centre de tous les débats.

Dans La Gloire de Bergson (Gallimard, 2007), François Azouvi a retracé cette ascension sans pareille et le brusque déclin qui suivit. Dans la France des années 1960 et 1970, à l'apogée du structuralisme, en effet, c'est le rejet. On écoute Paul Nizan ou Georges Politzer, qui le traitent de "chien de garde" et de "valet de la bourgeoisie".

Alors que le marxisme triomphe et que le matérialisme domine sans partage, le malheureux Bergson passe pour un spiritualiste réactionnaire et obsolète. Mis à part quelques fidèles, personne ne le lit. Si... Gilles Deleuze.

Le bergsonisme Deleuze couv

Contre la machinerie hégélienne et les pesanteurs de la dialectique, Deleuze trouve en lui une pensée de la radicale nouveauté, surgissant au coeur du flux temporel, émergeant d'un mouvement créateur. Sous l'influence de Jean Wahl, qui maintient en France le souvenir de William James - ami de Bergson, presque son alter ego -, Deleuze contribue à réhabiliter l'oeuvre. Il montre combien, pour penser notamment le cinéma et "l'image-mouvement", les intuitions bergsoniennes sont précieuses.

Aujourd'hui, quelques décennies plus tard, le paysage est fort différent. L'oeuvre d'Henri Bergson paraît à nouveau centrale. Mais on la lit autrement, sous des angles inédits. On découvre aussi, par de nouveaux textes jusqu'alors oubliés ou inconnus, d'autres facettes.

En témoignent, ces jours-ci, pas moins d'une dizaine de volumes de ou sur Bergson. Parmi les indices d'un bergsonisme vivace et renouvelé, rappelons le travail récent de David Lapoujade, éditeur et commentateur de Deleuze et de James. Dans Puissances du temps, paru il y a quelques semaines (1), il tente de résoudre deux questions laissées de côté par Bergson : la place des émotions et des affects - curieusement peu évoquée par le philosophe, alors que le regret, le deuil ou la mélancolie nous donnent un accès incomparable au temps -, et le sens de l'avenir, qui interroge évidemment une pensée ayant su rendre synonymes durée et mémoire.

Lire Bergson couv

Toutefois, le volume le plus significatif des approches actuelles est l'ouvrage collectif intitulé Lire Bergson. Sous la direction de Frédéric Worms, grand artisan du renouveau bergsonien et responsable de la nouvelle édition critique, une brochette de philosophes de la nouvelle génération invente des éclairages imprévus.

C'est ainsi, par exemple, que Frédéric Fruteau de Laclos, sous un titre surprenant (La philosophie analytique d'Henri Bergson) rapproche de manière inattendue mais féconde l'homme des données immédiates de la conscience et Russell, Schlick, Goodman ou Meyerson. De même, Bergson dans la société du risque - celle qu'il n'a pas connue et qu'analysent diversement, bien après lui, Claude Lévi-Strauss, Jean-Pierre Dupuy ou François Ewald - fournit son thème à une étude de notre collaborateur Frédéric Keck.

On le voit : il ne s'agit pas seulement, comme le souligne Frédéric Worms, de s'attacher à ce qu'on découvre seulement chez Bergson - en particulier ces thèses centrales : "Le temps n'est pas de l'espace" ; "Le néant n'existe pas" ; ou encore la différence entre les religions et les morales qui sont closes et celles qui sont ouvertes. Il convient également de faire l'apprentissage d'une lecture intégrale, suivie, raisonnée, qui permette de confronter cette pensée à des objets nouveaux et d'en découvrir des capacités inaperçues. À cela se reconnaissent les vraies philosophies.

Encore faut-il disposer de tous les textes dans une édition fiable, sérieuse et accessible. C'est maintenant chose faite, grâce à l'excellente édition critique des Presses universitaires de France (PUF). Maniable, rigoureuse, peu coûteuse, c'est un modèle d'outil de travail utile à tous. Les derniers titres, qui viennent de paraître, reprennent sous forme de courts volumes des études que Bergson avait publiées séparément, puis regroupées, en 1934, sous le titre La Pensée et le mouvant.

D'autre part, un fort volume d'Écrits philosophiques offre lettres, articles, discours, débats ou interviews qui dessinent d'autres silhouettes de Bergson, où s'impose celle d'un maître animé par une indéfectible passion de l'explication lumineuse.

On retrouve ce souci de clarté et d'exemples concrets dans les cours de lycée du professeur Bergson, qui ont fait récemment l'objet d'un colloque à l'École normale supérieure (Paris). Deux nouveaux volumes, édités par Sylvain Matton et présentés par Alain Panero, sont disponibles (2). Comme les précédents, ce sont des cahiers de notes manuscrites prises scrupuleusement par les lycéens d'alors. Pour l'anecdote : ces archives, qui dormaient dans des greniers, ont été proposées à l'éditeur à la suite d'un article du Monde des livres relatant par quel hasard avait resurgi de l'oubli le précédent cahier inconnu. Comme quoi...

Roger-Pol Droit

 

(1) Editions de Minuit, Paradoxe, 110 p., 16 €.

(2) Cours de philosophie de 1886-1887 et Cours de morale, de métaphysique et d'histoire de la philosophie moderne de 1892-1893. Lycée Henri-IV, éditions Séha-Archè, respectivement 430 p., 36 €, et 460 p., 37 €.

 

  • Lire Bergson, sous la direction de Frédéric Worms et Camille Riquier. PUF, "Quadrige Manuels", 208 p., 13 €.
  • Écrits philosophiqes d'Henri Bergson, édition critique réalisée par Arnaud Bouaniche, Elie During, Arnaud François, Frédéric Fruteau de Laclos, Frédéric Keck, Stéphane Madelrieux, Camille Riquier, Ghislain Waterlot, Frédéric Worms. PUF, "Quadrige Grands textes", 1 030 p., 25 €.
  • Signalons aussi, en poche : La Politesse (Rivages/"Petite biblothèque", 76 p., 6 €).

 

Extrait

"Peut-être avez-vous remarqué, devant nos monuments et dans nos musées, des étrangers qui tiennent à la main un livre ouvert, un livre où ils trouvent décrites, sans doute, les merveilles qui les environnent. Absorbés dans cette lecture, ne semblent-ils pas oublier pour elles, parfois, les belles choses qu'ils étaient venues voir ?

C'est ainsi que beaucoup d'entre nous voyagent à travers l'existence, les yeux fixés sur des formules qu'ils lisent, dans une espèce de guide intérieur, négligeant de regarder la vie pour se régler simplement sur ce qu'on en dit, et pensant d'ordinaire à des mots plutôt qu'à des choses. Mais peut-être y a-t-il plus et mieux ici qu'une distraction accidentelle de l'esprit.

Peut-être une loi naturelle et nécessaire veut-elle que notre esprit commence par accepter les idées toutes faites et vive dans une espèce de tutelle, en attendant l'acte de volonté, toujours ajournés chez quelques-uns, par lequel il se ressaisira lui-même.

"Le bon sens et les études classiques",
discours prononcé par Bergson dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne
à la distribution des prix du Concours général, le 30 juillet 1895,
Écrits philosophiques, p. 159-160.

Le Monde des livres, 10 mars 2011

 

Bergson Écrits philosophiques couv

 

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7 avril 2017

Bergson contre le positivisme, Damien Thiellier

 

 

Bergson contre le positivisme

Damien Thiellier

 

  • Contrairement au positivisme, Bergson rejette le monopole de la méthode expérimentale et le monisme épistémologique qu’on trouve chez Auguste Comte au XIXe siècle

Pour Bergson, la méthode philosophique doit être fondée sur «l’expérience aidée du raisonnement», qui consiste à se soumettre à la réalité objective pour l’étudier indépendamment de nos préférences ou de nos répugnances. Mais contrairement au positivisme, Bergson rejette le monopole de la méthode expérimentale et le monisme épistémologique qu’on trouve chez Auguste Comte au XIXe siècle.

La fin du XIXe siècle en France est marquée, dans le domaine des idées, par l’influence persistante du positivisme de Comte. Or, l’œuvre de Bergson s’est d’abord constituée comme répudiation de cet héritage.

Bergson (1859-1941), en effet, ne croit pas que la science positive soit capable de résoudre tous les problèmes qui se posent à l’homme, ni même qu’elle parvienne à rendre compte authentiquement de nos expériences les plus banales, comme notre rapport intime au temps qui passe. Le mécanisme matérialiste, qui triomphe alors dans les sciences, n’est pas non plus épargné, dans sa prétention à réduire la vie à un simple assemblage de molécules. Enfin, Bergson ne peut se résoudre à accepter la fin de la métaphysique (dont le positivisme aurait sonné le glas).

Et c’est peut-être là son apport le plus original : Bergson a largement contribué, dans une époque obnubilée par les succès de la science, à restaurer la réflexion métaphysique. Il a réhabilité aussi, comme en témoigne sa langue exempte de tout jargon, une certaine façon de philosopher (dont on trouve la source chez Descartes), qui rend sa pensée accessible à tous.

Né à Paris d’une mère anglaise et d’un père d’origine polonaise, Henri Bergson fait ses études au lycée Condorcet. Élève brillant, aussi doué pour les lettres que pour les sciences, il remporte en 1878 les premiers prix de français et de mathématiques du Concours général. «Faites Polytechnique» lui dit-on ; il préfère l’École normale supérieure, où il prépare l’agrégation de philosophie (qu’il passe avec succès en 1881).

Successivement professeur aux lycées d’Angers, de Clermont-Ferrand et Henri IV à Paris, il soutient en 1889 une thèse qui fait grand bruit : Essai sur les données immédiates de la conscience. Son retentissement est tel que Bergson est engagé comme maître de conférences à l’École normale supérieure, poste qu’il occupe jusqu’à sa nomination au Collège de France en 1900.

 

Matière et mémoire couv 1903

 

C’est à partir de la publication de Matière et mémoire (1896) que Bergson accède aux honneurs et connaît bientôt la plus grande célébrité. Élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1901, membre de l’Académie française en 1914, il reçoit – couronnement suprême – le prix Nobel de littérature en 1927.

Entre-temps, Bergson poursuit son œuvre : Le Rire (1900), L’Évolution créatrice (1907), Les Deux Sources de la morale et de la religion (1932). Il réunit d’autre part des articles, des études et des conférences en trois recueils : L’Énergie spirituelle (1919), Durée et simultanéité (1922) et La Pensée et le Mouvant (1934).

Conduit par l’évolution de sa pensée au seuil du catholicisme (il médite en effet sur les œuvres des grands mystiques), il refuse pourtant de se convertir, par solidarité avec la communauté juive que les hitlériens commencent à persécuter. Bergson meurt le 4 janvier 1941, en pleine occupation allemande. Seuls sa femme, sa fille, Paul Valéry (représentant l’Académie française) et Édouard Le Roy (son successeur au Collège de France) suivront le cortège funèbre. Bergson, écrivait Péguy en 1905, est celui qui a sauvé la pensée moderne du matérialisme et du déterminisme.

L’évolution créatrice

Dans L’Évolution créatrice, Bergson écrit : «Le temps est invention, ou il n’est rien du tout». Il prenait ainsi le contrepied de la science classique selon lequel tout est donné, tout est prévisible.

Au XIXe siècle, Pierre Simon de Laplace avait formulé l’idéal d’un déterminisme total. Dans son Essai philosophique sur les probabilités (1795), il se livrait à une extrapolation des résultats de Newton : «Nous devons donc envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de ce qui va suivre. Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir comme le passé serait présent à ses yeux».

La science classique est dominée par la possibilité d’une omniscience indifférente au déroulement du temps. Le présent y détermine le futur, comme il peut servir à reconstruire le passé.

Au contraire, pour Bergson, l’univers dure. «Plus nous approfondissons la nature du temps, plus nous comprendrons que durée signifie invention, création de formes, élaboration continue de l’absolument nouveau.» Dans Le possible et le réel, il pose la question : «À quoi sert le temps ?… le temps est ce qui empêche que tout soit donné d’un seul coup. Il retarde, ou plutôt il est retardement. Il doit donc être élaboration. Ne serait-il pas alors le véhicule de création et de choix ? L’existence du temps ne prouverait-elle pas qu’il y a de l’indétermination dans les choses ?»

Réalisme philosophique et pluralisme de la méthode

Pour Bergson, la méthode philosophique doit être fondée sur «l’expérience aidée du raisonnement». Cette méthode, ébauchée par Aristote déjà, au IVe siècle avant notre ère, consiste à se soumettre à la réalité objective pour l’étudier, telle qu’elle est, indépendamment de nos préférences ou de nos répugnances. Mais contrairement au positivisme, Bergson rejette le monopole de la méthode expérimentale et le monisme épistémologique qu’on trouve chez Auguste Comte au XIXe siècle.

Dès lors, il distingue deux types d’approches du réel : l’intelligence et l’intuition. L’intelligence correspond au travail d’explication qui est celui de la science. Elle découpe le réel, le mesure, le quantifie, le décompose. C’est une méthode analytique, celle des sciences expérimentales. L’intuition correspond à ce qu’on appelle la compréhension dans les sciences sociales, en particulier chez Weber. L’intuition est cet effort pour coïncider avec le réel, pour sympathiser avec lui.

«Nous appelons intuition la sympathie par laquelle on se transporte à l’intérieur d’un objet pour coïncider avec ce qu’il a d’unique» (La pensée et le mouvant, p.181). L’intuition a donc pour objet la vie intérieure, dans sa durée propre, dans sa subjectivité, c’est la «vision directe de l’esprit par l’esprit». Si une métaphysique ou une science de l’esprit est possible, selon Bergson, ce n’est que par l’intuition, par cette attention de l’esprit à lui-même.

 

Damien Thiellier, 16 juin 2012

 

Bergson debout
Henri Bergson (1859-1941)

 

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6 avril 2017

Bergson, Données immédiates de la conscience, introduction d'Emmanuel Picavet

Bergson couv (1)

 

 

Bergson

Données immédiates de la conscience

introduction d'Emmanuel Picavet

 

 

Bergson photo

 

 

Données immédiates intro (1)

Données immédiates intro (2)

Données immédiates intro (3)

Données immédiates intro (4)

Données immédiates intro (5)

Données immédiates intro (6)

Données immédiates intro (7)

Données immédiates intro (8)

Données immédiates intro (9)

Données immédiates intro (10)

Données immédiates intro (11)

Données immédiates intro (12)

Données immédiates intro (13)

Données immédiates intro (14)

Données immédiates intro (15)

Données immédiates intro (16)

Données immédiates intro (17)

Emmanuel Picavet
professeur à Paris-I Sorbonne

Emmanuel Picavet

 

 

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5 avril 2017

Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, avant-propos

Données immédiates conscience couv 1927

 

Bergson, 1889

Essai sur les données immédiates de la conscience,

avant-propos

 

Nous nous exprimons nécessairement par des mots, et nous pensons le plus souvent dans l’espace. En d’autres termes, le langage exige que nous établissions entre nos idées les mêmes distinctions nettes et précises, la même discontinuité qu’entre les objets matériels.

Cette assimilation est utile dans la vie pratique, et nécessaire dans la plupart des sciences. Mais on pourrait se demander si les difficultés insurmontables que certains problèmes philosophiques soulèvent ne viendraient pas de ce qu’on s’obstine à juxtaposer dans l’espace les phénomènes qui n’occupent point d’espace, et si, en faisant abstraction des grossières images autour desquelles le combat se livre, on n’y mettrait pas parfois un terme.

Quand une traduction illégitime de l’inétendu en étendu, de la qualité en quantité, a installé la contradiction au cœur même de la question posée, est-il étonnant que la contradiction se retrouve dans les solutions qu’on en donne ?

Nous avons choisi parmi les problèmes, celui qui est en commun à la métaphysique et à la psychologie, le problème de la liberté. Nous essayons d’établir que toute discussion entre les déterministes et leurs adversaires implique une confusion préalable de la durée avec l’étendue, de la succession avec la simultanéité, de la qualité avec la quantité : une fois cette confusion dissipée, on verrait peut-être s’évanouir les objections élevées contre la liberté, les définitions qu’on en donne, et, en un certain sens, le problème de la liberté lui-même. Cette démonstration fait l’objet de la troisième partie de notre travail : les deux premiers chapitres, où l’on étudie les notions d’intensité et de durée, ont été écrits pour servir d’introduction au troisième.

Henri Bergson, février 1888

 

Bergson 1878 (19 ans)
Henri Bergson en 1878 (19 ans)

 

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5 avril 2017

le mal n'est pas en nous, François Rivenc

invasion Tchécoslovaquie

 

 

le mal n'est pas en nous

François Rivenc, 1997

 

J'ai récemment appris par la presse (Libération, Le Monde) qu'André Glucksmann avait tiré de ses réflexions sur le Bien et le Mal, titre de son dernier ouvrage, la conclusion suivante : le mal est en chacun de nous, sous la forme d'un nazi supérieur que nous devons combattre. Comme je me battais en vain les flancs pour palper mon uniforme de SS, j'ai lu plus attentivement la formule de contrition qu'on me proposait d'ânonner. J'ai compris alors qu'il n'y était pas exactement question de camp ni de solution finale planifiée, mais du «crime d'indifférence» dont nous autres Européens, nous nous rendions collectivement coupables à l'égard des massacres et autres égorgements commis un peu partout sur la planète.

Roger-Pol Droit, rapportant la pensée de Glucksmann dans Le Monde des Livres, parle ainsi de notre «magnifique système d'indifférence», d'une «insensibilité sans précédent envers la misère du monde».

À la réflexion, ce «sans précédent» m'a fait tiquer, et me laisse incrédule. Jadis, naguère, la pitié pour la souffrance du prochain fut-elle donc un phénomène de masse ? Quel cataclysme spirituel a provoqué dans la conscience des masses romaines le massacre des Innocents, ou dans la conscience des masses européennes le sort que Temudjin (autoproclamé Gengis Khân) réserva aux habitants de Merv, dont le Petit Robert signale que «ses habitants furent systématiquement décapités, et des pyramides de têtes élevées devant la cité ?»

Pour quelques voix comme Bartolomé de Las Casas (Relación de la Destrucción de las Indias) ou Michel Eyquem de Montaigne, quelle masse d'approbation, de silence, ou tout simplement d'ignorance contemporaine de l'extermination des Indiens d'Amérique ? Naturellement, je prends ces atrocités extra-européennes au hasard, et pour ce qu'elles sont : la basse continue sur fond de laquelle les hommes ont continué de vivre, avec leur peine quotidienne qui leur suffisait bien, sans doute, à nourrir leur souci.

Du coup, je doute fortement que notre indifférence soit pire qu'autrefois (je veux dire : quantitativement ; quant à la question de savoir si elle est plus ou moins criminelle, il me paraît extrêmement compliqué d'y répondre de manière fondée).

Une autre hypothèse, suggérée par Nietzsche et non moins plausible, est que notre seuil de tolérance à la souffrance, y compris celle d'autrui, s'est considérablement abaissé avec le développement de la civilisation moderne ; sans doute est-il encore plus faible chez ceux qui nous imputent comme crime le mélange de résignation et d'impuissance qui est le lot des individus ordinaires (sans compter, pour certains d'entre nous, le doute sur les moyens les plus efficaces et les moins dangereux de changer les choses, que l'expérience du socialisme réel justifie largement).

Peu importe : prétendre comparer des quantités d'indifférence d'une époque historique à une autre est sans doute le type même des pseudo-questions, des questions sans signification ni réponse, qu'affectionne la production «philosophique» des mass médias.

Je reviens à mon nazi intime, à votre nazi intérieur, à tous ces nazis qu'on nous demande de traquer au fond de nous. Et je dois dire que je ne crois pas un seul instant à leur existence.

Je dois dire que cette affliction de moraliste, qui prétend nous faire gémir sur notre indignité, commence à sérieusement m'exaspérer. Je prétends de surcroît que cet air de morale n'a rien à voir avec l'effet d'attrister, qu'induit inévitablement l'effort pour analyser le phénomène nazi, tel que Primo Levi, par exemple, de manière à mon sens inégalée, l'a soutenu dans les Naufragés et les rescapés (je pense en particulier à l'analyse fine qu'il propose des degrés de participation et de compromission à l'univers du Lager, dans le chapitre intitulé «La zone grise»). Oui bien sûr, on ne peut que trouver dans le nazisme une formidable objection à l'humanité, ce troupeau d'animaux malades ; c'est un devoir d'intelligence (et de précaution pour l'avenir) d'aller plus loin, et de démêler l'écheveau des fils qui le rendirent possible.

 

les Naufragés et les rescapés

 

À la réflexion, il est facile de comprendre pourquoi tout à l'heure je ne parvenais pas à trouver le nazi en moi ! C'est que ce nazi est hors de moi, comme le vôtre est à l'extérieur de vous, comme pour chacun de nous à quelques exceptions près (mais pour ceux-là, point n'est besoin de chercher le nazi au fond d'eux-mêmes ; ce sont des nazis !).

Un peu de conscience historique, toujours plus féconde que la conscience morale, nous ferait comprendre en quel sens ce nazi possible, c'est-à-dire la possibilité de devenir nazi, ou nazi-indifférent, ou non-nazi mais qui ne veut pas voir le nazisme, etc., est extérieur à nous. Il n'est pas besoin d'être spécialement marxiste pour croire qu'une large partie de l'intériorité de l'homme lui est extérieure, faite de rapports historiques et sociaux. Ce fut même, il y a quelques années encore, affaire de connaissance commune, et de ce point de vue les pensées de Glucksmann sur le Bien et le Mal me paraissent la marque d'une régression intellectuelle.

Or il y a mieux à faire que de nous inviter à contrition ; nous savons en gros certaines choses sur les conditions sociales et historiques de la prise du pouvoir par le nazisme, prise du pouvoir dans les esprits et prise du pouvoir politique. Je n'ai pas la prétention de faire un scoop en rappelant que sans la destruction volontaire, par les Alliés de 1918, de l'Empire austro-hongrois, le nazisme n'aurait pas été possible, question de géopolitique (c'est l'avis de bons historiens) ; pas plus qu'en rappelant que le spectre du communisme hantant l'Europe a dû être pour quelque chose dans les complaisances dont les diverses forces traditionnelles ont fait preuve à l'égard d'un phénomène qui par ailleurs répugnait à leurs meilleurs représentants, etc.

Le chantier de la compréhension historique du nazisme n'est cependant, pas que je sache, achevé. Et de plus, il y a beaucoup de travail à faire pour diffuser et vulgariser cette connaissance, dont on ne peut guère dire qu'elle soit largement partagée dans le public et la conscience commune. Tout ce travail, qu'il fasse appel à l'histoire sociale, à la psychologie des masses, à la géopolitique ou à la psychanalyse, peut donner du grain à moudre à la philosophie populaire (au meilleur sens, cette fois, du terme). Il remplacerait avantageusement les discours d'autoflagellation.

Si Glucksmann ne soutient pas réellement le point de vue que la presse lui attribue, qu'il me pardonne, et surtout, qu'il rectifie l'image qu'on distribue de sa pensée. Mais ce qui m'importe, c'est l'avachissement de la pensée publique (celle qu'on lit dans les journaux et qui fait tache) et sa rechute dans la morale. Le moralisme est une capitulation de l'intellect, et la résistance au nazisme commence sans doute par le désir d'y voir clair.

François Rivenc est philosophe, Paris-I Sorbonne
Libération, 22 septembre 1997,
article paru sous le titre :
"Non à l'avachissement de la pensée publique :
le moralisme est une capitulation de l'intellect"

 

François Rivenc
François Rivenc, philosophe

 

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4 avril 2017

Sémantique et vérité, François Rivenc

Sémantique et vérité (1)

 

 

Sémantique et vérité

François Rivenc (1998)

 

Sémantique et vérité (3)

 

Tarski   Donald Davidson
         Alfred Tarski                                         Donald Davidson

 

Sémantique et vérité (4)

Sémantique et vérité (5)

Sémantique et vérité (6)

Sémantique et vérité (7)

Sémantique et vérité (8)

Sémantique et vérité (9)

 

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Sémantique et vérité (2)

 

François Rivenc
François Rivenc, philosophe

 

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