Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Philosophiques

2 avril 2017

les deux dénaturations de l'homme, selon Rousseau (Yves Vargas, 1992)

Cook3

 

 

les deux dénaturations

de l'homme selon Rousseau

Yves Vargas, 1992

 

Les questions que Rousseau se pose ne sont pas – pour l’époque – très originales. Il se demande pourquoi l’humanité en est arrivée là. Partout les hommes sont malheureux et soumis à des tyrannies, partout l’injustice et l’inégalité triomphent.

Par ses réponses, il se démarque de son siècle. Son siècle rend responsables les abus de toutes sortes abus du clergé qui obscurcit les esprits, abus du pouvoir qui censure et opprime. Rousseau considère que ces abus ne sont que les conséquences inévitables d’un mal plus profond : la perte de la nature humaine.

L’homme a perdu d’abord – et c’est normal – la nature, il n’est pas un animal errant innocemment dans la forêt, cueillant ses fruits au hasard des branches. Mais il a perdu – et c’est très grave – sa nature.

Il n’est plus humain, il n’a pas su rester humain. La première dénaturation (perte de la nature) l’a fait homme, la deuxième (perte de sa nature) l’a fait semblant d’homme, esclave de ses vices, heureux de ses misères, chérissant ses chaînes et baisant la main qui le frappe. Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut revenir au début : revenir à la nature d’où est sorti l’homme dans sa nature. L’homme dans sa nature, c’est l’angle de perspective de Rousseau, c’est l’étalon qui sert de mesure pour l’homme que nous avons sous les yeux.

Utiliser un quelconque étalon suppose, pour le moins, qu’on l’ait sous la main : dire que ces fruits ne pèsent pas un kilo implique qu’on puisse exhiber un poids d’un kilo auquel on les comparera. Dire que l’homme réel n’est pas l’homme vrai, qu’il ne fait pas le poids, suppose qu’on puisse montrer l’homme vrai dans toute sa nature afin d’établir la comparaison.

Or, cet homme vrai, il n’existe pas et il est irrémédiablement perdu : non pas recouvert, occulté, mais détruit, dissous, déstructuré : «Semblable à la statue de Glaucus que le temps, la mer et les orages avaient tellement défigurée qu’elle ressemblait moins à un Dieu qu’à une bête féroce, l’âme humaine… a… changé d’apparence au point d’être presque méconnaissable» (1) [1].

Perte absolue : l’âme est atteinte en profondeur, dans son intimité, et la raison elle-même participe à cette perte. Contre la philosophie des Lumières qui prône le salut de l’humanité par le développement des sciences, Rousseau déclare que la raison n’est plus qu’un délire qui engloutit l’homme dans le tourbillon sans fond de la dénaturation : «Tous les progrès de l’Espèce humaine l’éloignant sans cesse de son état primitif… c’est en un sens à force d’étudier l’homme que nous nous sommes mis hors d’état de la connaître» (2).

Ni la constatation (il est méconnaissable) ni la reconstitution (la raison nous en éloigne) ne montrent l’homme dans sa nature. Tous les efforts pour sortir du cercle de la dénaturation nous y enferment davantage : il n’y a pas d’issue.

 

sortir du cercle par l'intérieur

On sait comment Rousseau sort du cercle : par l’intérieur, par un retournement sur soi, par l’exhumation de quelque chose antérieur à la dénaturation, antérieur à la raison, et qui est le principe même de l’humanité. Ce principe, il l’appelle le cœur ; et c’est en lui-même qu’il trouve – par on ne sait quel prodige – ce cœur dont la perte a perdu l’homme.

  • «… méditant sur les premières opérations de l’âme humaine, j’y crois apercevoir deux principes antérieurs à la raisons…» (3).
  • «… le cœur meurt, pour ainsi dire, avant que de naître ? Nous voilà dès les premiers pas hors de la nature» (4).

«Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi. Moi seul. Je sens mon cœur… Je suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus…» (5).

Si le «cœur» n’est évidemment pas un organe comme le foie, ce n’est pas ici davantage une fonction psychologique simple. Ce n’est pas la voix des passions (je t’ai donné mon cœur, Rodrigue as-tu du cœur…), ni l’accès à la transcendance (le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas).

Le cœur est chez Rousseau une chose en mouvement qui est le moteur même de l’humanité, l’essence même de l’homme. Comprendre le cœur, c’est comprendre le rousseauisme dans son unité : enchaînement des théories et source de l’œuvre.

Pour le présenter en deux mots : le cœur est un certain équilibre qui trouve naturellement son rééquilibrage. Si ce rééquilibrage est empêché , ou déplacé, ou forcé, ou prématuré… c’en est fini de l’homme : il perd sa nature.

L’histoire de l’humanité, comme l’histoire de chaque homme, est une succession d’équilibres suivis de bouleversements déséquilibrants, jusqu’au retour à l’équilibre par des mouvements de compensation, de croissance, d’adaptation. Cet équilibre nouveau est sujet à son tour à la même aventure, et ainsi l’humanité – et l’homme – avance. Le cœur est ce processus même.

Examinons le Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes. Ce texte commence par la description d’un parfait équilibre : l’état de pure nature. Dans cet état, les hommes et la nature vivent en parfaite harmonie :la forêt assure leur éparpillement, leur protection et leur nourriture. Un ennemi survient, je fais trois pas dans la forêt et il me perd de vue à jamais. Les arbres ont des branches basses chargées de fruits, je n’ai qu’à tendre paresseusement la main et me voilà rassasié. Cette parfaite harmonie, cet équilibre originel empêche toute évolution de l’humanité. L’homme est pétrifié dans l’immobilité, enfoncé dans un sommeil interminable : «Les siècles s’écoulaient dans toute la grossièreté des premiers âges, l’espèce était déjà vieille et l’homme restait un enfant» (6).

L’homme ne peut pas, par lui-même, s’arracher à cette enfance : l’équilibre général bloque à l’avance tout mouvement. C’est donc à un déséquilibre provoqué du dehors que l’homme devra ses changements. Pour que l’homme puisse changer dans la nature, il faut que la nature s’écarte de lui, cesse de le soutenir et d’étayer chacun de ses besoins.

Rousseau imagine rien moins qu’une catastrophe cosmique, une modification générale des climats et de la végétation. Le froid glacial, la chaleur torride, la disparition des arbres bas et généreux, la rareté des sources, bref, le déséquilibre dans le rapport homme/nature oblige l’homme à courir derrière la nature, à construire un nouvel équilibre : l’humanité tombe de sa couche, elle se réveille et se met en marche.

 

Dieu déséquilibrant le monde

Rousseau présente cette idée dans l’Essai sur l’origine des langues ; il utilise la métaphore considérable de Dieu déséquilibrant le monde de façon à perturber toute vie naturelle : seule façon de sortir l’homme de sa torpeur.

  • «Il est inconcevable à quel point l’homme est naturellement paresseux. On dirait qu’il ne vit que pour dormir, végéter, rester immobile… Celui qui a voulu que l’homme fût sociable toucha du doigt l’axe du globe et l’inclina sur l’axe de l’univers. À ce léger mouvement, je vois changer la face de la terre et décider de la vocation du genre humain…» (7).

Pour affronter cette nature moins facile et moins accueillante, les hommes, jusqu’ici éparpillés et solitaires, sont forcés de se rassembler, de se supporter, de s’apprivoiser en quelque sorte naturellement. Lentement, un nouvel équilibre se met en place. C’est une société de pasteurs et de chasseurs, regroupés en familles à proximité des abris et des sources. C’est la «jeunesse du monde» (8).

Pour retrouver un équilibre, l’humanité a dû faire quelques pas en avant. La voici stable, de nouveau. Elle s’arrête sur ce bonheur retrouvé pour n’en plus bouger, à moins qu’un événement extérieur ne la vienne encore bousculer.

Cet élément déstabilisateur sera un «funeste hasard» (9) : la découverte du fer, peut-être à la suite d’une éruption volcanique (10). L’homme utilise cette nouveauté pour modifier la nature : on entre dans l’ère du déboisement, de l’agriculture, de l’abondance.

L’âge d’or est terminé et l’humanité s’engage dans un nouvel ébranlement. C’est alors qu’éclate la catastrophe : l’agriculture, en produisant l’abondance engendre le stockage ; donc : la propriété privée et l’exploitation pour ceux qui n’ont pas accès à la propriété.

  • «Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire ceci est à moi… fut le vrai fondateur de la société civile» (11).

«Dès lors qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les moissons» (12).

Propriété, travail forcé, misère : on voit en quoi consiste la perte de l’humanité. Les hommes ont certes équilibré leur rapport à la nature en la domestiquant (les moissons dans les campagnes riantes), mais ils ont en même temps introduit un nouveau déséquilibre : à l’intérieur du genre humain, cette fois (l’égalité disparaît et apparaissent l’esclavage et la misère).

Le déséquilibre est entre l’homme et l’homme, il est dans l’humain même et tous les efforts que l’humanité fera pour s’en sortir ne feront qu’accumuler de nouveaux déséquilibres. Les sciences, les découvertes, les arts, les lois même, enfonceront l’humanité dans sa perte. Le socle sur lequel l’humanité s’est élevée est vicié car il nie la loi même de l’humanité : le cœur, qui se nourrit de justice et d’égalité, qui tient la balance en équilibre parmi les hommes.

Yves Vargas
extrait de l’article «l’unité du rousseauisme»,
La Pensée, décembre 1992, p. 101-114

 

1 - Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, préface.

2 - Ibid.

3 - Ibid.

4 - Émile, livre I.

5 - Confessions, livre I.

6 - Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, 1ère partie.

7 - Essai sur l’origine des langues, chap. IX.

8 - Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, 2e partie : «L’exemple des sauvages qu’on a presque tous retrouvés à ce point semble confirmer que le genre humain était fait pour y rester toujours, que cet état est la véritable jeunesse du monde…», ibid.

9 - «Plus on y réfléchit, plus on trouve que cet état était… le meilleur à l’homme, et qu’il n’en dut sortir que par quelque funeste hasard», ibid.

10 - «Quelque volcan… vomissant des matières métalliques en fusion, aura donné aux observateurs l’idée d’imiter cette opération de la nature», ibid.

11 - Ibid.

12 – Ibid.

 

Cook3
Les Voyages du capitaine Cook, papier peint, Hôtel de Ville de Lay-Saint-Christophe (Meurthe-et-Moselle)

 

____________________

 

[1] Avant cette mention de la "statue de Glaucus" par Rousseau, il n'en avait jamais existé. Cf. "Quand le visage de Glaucos devient statue de Glaucus", Bérengère Baucher, Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau, tome quarante-huitième, Droz, 2008, p. 26. [note M. R.]

 

statue Glaucus (1)   statue Glaucus (2)
statue de Glaucus, Jardins de Bomarzo (Italie)

 

 

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
1 avril 2017

l'unité du rousseauisme, Yves Vargas (1992)

unité rousseauisme titre

 

 

 

l'unité du rousseauisme

Yves Vargas (1992)

 

Vargas unité du rousseauisme (1)

Vargas unité du rousseauisme (2)

Vargas unité du rousseauisme (3)

 

Discours origine inégalité couv 1755

 

Vargas unité du rousseauisme (4)

Vargas unité du rousseauisme (5)

Vargas unité du rousseauisme (6)

 

Émile couv 1762 Amsterdam

 

Vargas unité du rousseauisme (7)

Vargas unité du rousseauisme (8)

Vargas unité du rousseauisme (9)

Vargas unité du rousseauisme (10)

 

Contrat social 1762 Amsterdam couv

 

Vargas unité du rousseauisme (11)

Vargas unité du rousseauisme (12)

Les Confessions pa

 

Vargas unité du rousseauisme (13)

 Yves Vargas, La Pensée, décembre 1992

Yves Vargas photo

 

Vargas unité du rousseauisme (14)

Vargas unité du rousseauisme (15)

Vargas unité du rousseauisme (16)

 

Les Confessions couv intérieure

 

- retour à l'accueil

31 mars 2017

la Nature, Marcel Conche

Corrèze nature

 

 

la Nature, Marcel Conche

 

Pour qu’il y ait silence dans la Nature, il faut être seul. Donc le silence de la Nature est, lui aussi, comme les silences heureux dont j’ai parlé, le corrélat de la solitude. Je me sentais seul et j’étais heureux d’être à l’écoute de la Dordogne, du ruisseau, ou bien à l’écoute du feu le jour où la forêt de la Majorie a brûlé. Le bruit du feu, avec sa violence, sa force ravageuse, efface les autres impressions. «Ce monde est le même pour tous, ni un dieu ni l’homme ne l’a fait, mais il a toujours été, il est et il sera feu toujours vivant, s’allumant en mesure et s’éteignant en mesure», disait Héraclite. Heisenberg reconnaissait dans le Feu d’Héraclite ce qu’il appelait l’énergie universelle.

J’aime ce silence de la Nature avec ses multiples bruits car il me met en difficulté avec moi-même et m’oblige à penser.

Je crois qu’il n’y a qu’une Nature mais je ne crois pas que la Nature soit une. La Nature est la totalité des choses. La première création de la Nature, c’est l’univers : la Nature (infinie) se dégrade en univers (indéfini). Ensuite, dans l’univers, se trouvent des mondes innombrables.

Le hérisson vit dans son monde, l’abeille vit dans son monde, de même la fourmi, etc. Pourquoi «monde» ? Parce que l’abeille reçoit les impressions qui n’ont de significations que pour elle, des significations «abeille», mais elle ne reçoit pas les significations «fourmi». Et toutes ces significations «abeille» forment pour l’abeille un réseau, une structure, donc un monde fini. Ces mondes sont dissemblables et incommunicables. Le hérisson n’a rien à dire à l’abeille et réciproquement.

L’homme peut étudier le hérisson mais ne peut pas se mettre à la place du hérisson pour vivre le monde en hérisson. Il est inatteignable par la connaissance puisque celle-ci ne saisit que l’objectivable. On peut comprendre comment fonctionne un hérisson mais on ne peut pas éprouver le sentiment de soi du hérisson, si tant est que le «soi» signifie quelque chose quand on parle d’un hérisson.

Par conséquent, il n’y a pas d’unité entre ces mondes dissemblables. Il existe une infinité d’espèces et, donc, une infinité de mondes, sans unité de surplomb – cela, Épicure l’avait bien vu. La Nature est le tout de cette infinité de mondes mais elle n’est pas comme un dieu qui voit tout, un principe totalisant. La Nature est une multiplicité inassemblable, un ensemble non unifiable, une totalité intotalisable.

Cependant, dans le silence de la Nature, je perçois non pas la multiplicité des mondes, mais la Nature comme une. C’est un problème de comprendre comment la Nature, malgré son infinie diversité, peut être toujours la même Nature. C’est ce problème philosophique que je ressens dans le silence de la Nature.

Certes , le ruisseau me dit : «Je suis le ruisseau» ; le vent me dit : «Je suis le vent». Mais la Nature me dit : «Je suis tout cela mais je suis aussi la Nature, je suis ce qui fait qu’il y a tout cela, le vent, les fleurs, le ruisseau, l’abeille, etc.»

Quand j’écoute la Nature, je suis partagé entre le sentiment de la multiplicité et celui de l’unité fondamentale. Ma conception de la Nature, qui est dans l’infini et dans l’éternité, est une conception métaphysique, puisque la métaphysique est cette partie de la philosophie qui a affaire à la totalité de ce qui est. Le silence de la Nature devient alors métaphysique parce qu’il amène dans mon esprit des idées.

Si je suis dans la solitude profonde de la Nature, si je tourne mes regards vers la profondeur illimitée du ciel, vers l’infini du ciel, je songe que nul savant, ni Einstein ni ses successeurs, ne peut atteindre la totalité de la Nature. Un cosmologiste ne peut dire quel rapport il y a entre l’Univers du big-bang et la totalité de la Nature. Par conséquent, je peux continuer de m’appuyer sur mes évidences immédiates qui me disent que l’univers est infini (indéfini), que nous sommes environnés par l’infini. La clef de la sagesse est qu’il faut penser toute chose sur le fond de l’infini.

Marcel Conche, Épicure en Corrèze, 2014, p. 98-100.

 

Épicure en Corrèze couv

 

 

- retour à l'accueil

30 mars 2017

portrait intellectuel et moral de Pierre Abélard, par Jean Jolivet (1972)

Abelard



 

Pierre Abélard (1079-1142)

portrait intellectuel et moral, par Jean Jolivet

 

Le dimanche 2 juillet 1972 s'ouvrait à Cluny un colloque international du CNRS qui avait pour sujet : Pierre Abélard - Pierre le Vénérable. Les courants philosophiques, littéraires et artistiques en occident au milieu du XIIe siècle

Jean Jolivet, directeur d'études à l'École pratique des Hautes Études, spécialiste mondialement reconnu et organisateur du colloque, clôturait la séance inaugurale en brossant à grands traits un portrait intellectuel et moral de Pierre Abélard. Ce texte relativement court, synthétique et savant est une excellente présentation du péripatéticien du Pallet. Il est  toujours d'actualité. (source)

 

Le personnage

Outre le souvenir et l'oeuvre d'un grand abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, nous nous disposons à célébrer et étudier ceux d'un moine étrange qui vint mourir ici, sinon ici, du moins tout près, il y a huit cent trente ans, Pierre Abélard. Une trace aussi durable dans la mémoire collective, et que les plus profonds bouleversements historiques n'ont pu effacer, n'est certes pas à mettre au compte de cette étrangeté que l'on vient d'évoquer. Et pourtant quelle vie extraordinaire, celle de cet homme âgé en route pour Rome que Pierre le Vénérable convainquit de s'arrêter définitivement à Cluny !

C'était un théologien de renom, le maître d'une pléiade de futurs dignitaires ecclésiastiques, et même de deux futurs papes ; or, il venait de voir son dernier livre condamné au Concile de Sens, sur la pression et les manoeuvres, il faut bien le dire, de Bernard de Clairvaux. Quelques années plus tôt, il avait repris un enseignement parisien interrompu depuis près de vingt ans ; il recommençait à enseigner la dialectique ‑ car ce théologien était aussi un maître en arts du langage, en dialectique surtout, mais aussi en grammaire et en rhétorique.

Il enseignait qu'en ces matières on pouvait aller encore plus loin que les Anciens eux‑mêmes ‑ et de sa part, cela ne paraissait pas excessif. Qu'avait-il fait avant de revenir à la Montagne Sainte‑Geneviève ? Il avait, chose capitale, sauvé sa vie en s'enfuyant d'un monastère dont les moines l'avaient élu abbé, mais ne toléraient pas ses tentatives de réforme. Cela s'était passé au bord d'un océan qui le faisait frissonner, chez des gens dont il ne comprenait pas la langue ; Abélard, Breton des pays de Loire, n'était pas chez lui en Bretagne bretonnante, même dans une contrée aussi proche de Nantes que l'est la presqu'île de Rhuys.

S'il avait accepté cette funeste élection, c'est qu'il ne se sentait pas en sûreté en Champagne, où il enseignait la dialectique et la théologie ; il craignait confusément les  «envieux» dont l'évocation revient sans cesse dans sa célèbre lettre autobiographique (Histoire de mes malheurs) et avait même pensé se réfugier chez les infidèles entendez, la façon dont il énonce la chose ne laisse pas de doute à ce sujet, en terre d'Islam.

Précisons qu'il était alors moine de la célèbre abbaye de Saint‑Denis, mais qu'il était expressément autorisé à n'y pas résider ; que ce moine était aussi l'époux émasculé d'une religieuse qui aurait pu, par l'âge, être sa fille, mais dont il avait d'abord été l'amant ; c'était à l'époque où il brillait d'un éclat sans égal dans les écoles de Paris, et où il avait négligé un temps la logique pour composer en l'honneur de sa belle des chansons que chacun fredonnait.

Baisers

Enseignant à plein temps, si l'on peut dire, à une époque où cette profession n'avait pas encore de statut social bien défini, il avait commencé sa carrière en étudiant génial et contestataire, bravant dans leurs écoles des maîtres aussi respectés que Guillaume de Champeaux et Anselme de Laon. Il faut dire enfin que sa passion pour les choses de l'intelligence l'avait fait renoncer à la succession de son père, petit noble dont il était le fils aîné. Si un romancier avait tiré de son cerveau toutes les anomalies et irrégularités qui font la vie même d'Abélard, on lui reprocherait de ne pas brider assez son imagination.

Contexte historique

Mais précisément, il s'agit ici d'un personnage réel, et c'est pourquoi il lui a fallu, pour survivre, plus que ces bizarreries ; Abélard était, on l'a dit, maître en logique, maître en théologie : c'est son apport et son influence dans ces deux disciplines qui fondent son importance historique. Sans trop entrer dans les détails, et contournant les endroits délicats, tâchons de nous en faire une idée un peu nette.

Notons d'abord quelques concordances chronologiques ; même si elles ne sont pas directement utiles à la compréhension d'Abélard, elles peuvent du moins dessiner un arrière‑plan ou évoquer un climat, du moins un climat intellectuel. Il serait intéressant, mais singulièrement plus difficile, de repérer et rendre clairs les rapports entre Abélard et l'histoire générale : non seulement le mouvement urbain, le développement des villes, vaste fait dont il participe en qualité d'étudiant itinérant, puis de professeur parisien ; mais aussi le mouvement des communes ; Abélard arrive à Laon, peu après la célèbre insurrection communale de cette ville. Certains, Michelet au siècle dernier, Roger Vailland au nôtre ‑ ont cru déceler une analogie entre les nouveautés politiques des XIe et XIIe siècles et les nouveautés de pensée qui ont été reprochées à Abélard et lui ont valu deux condamnations ; en fait la méthode théologique d'Abélard n'a pu paraître révolutionnaire qu'à des contemporains conservateurs.

Ce qu'on pourrait appeler le  «progressisme» d'Abélard n'est pas du tout un fait acquis, c'est plutôt la matière d'un problème ; davantage : son existence même est problématique. Revenons donc à quelques notes, indubitables puisque chronologiques, d'histoire intellectuelle.

Climat intellectuel

Abélard vient au monde en 1079, c'est‑à‑dire dans les années qui suivent la composition du Monologion et du Proslogion de saint Anselme ; il est légèrement plus jeune que Guillaume de Poitiers, le premier troubadour. Il est contemporain des grands maîtres de Chartres ‑ Bernard, Thierry ; l'examen attentif de certains textes révèle chez lui un platonisme qui l'apparente au premier des deux ; quant au second, il publie son Eptateuchon, somme des arts libéraux, en 1141, soit un an avant la mort d'Abélard ; il y témoigne de connaissances de logique qui auront fait défaut à notre philosophe. Nous aurons à y revenir.

Cette année 1141 est aussi celle de la mort du grand Hugues de Saint‑Victor. Le nom d'Abélard étant aussi un grand nom dans l'histoire des sentiments et de leur expression littéraire, il est remarquable que le couple qu'il forme avec Héloïse soit proche dans le temps de celui de Tristan et Iseult. Si enfin ‑ car il faut bien s'arrêter quelque part ‑ nous jetons un coup d'oeil au sud des Pyrénées, sur cet Islam de l'Andalus dont un reflet apparaît deux fois au moins dans l'oeuvre d'Abélard, nous constatons qu'il ne survit que de quatre ans à Ibn Bâjja (Avempace), et qu'Averroës naît vers le moment où lui‑même devient abbé de Saint‑Gildas. L'évocation de ces deux noms suffira sans doute à faire sentir, en outre, ce qui séparait, quantitativement et qualitativement, la culture des musulmans d'Espagne et celle des chrétiens d'Occident : différence qui explique l'ardeur avec laquelle se développera bientôt le travail des traducteurs.

Son oeuvre

Abélard donc participe d'une époque active et brillante ; encore avons-nous laissé de côté bien des noms ‑ à commencer par celui de Roscelin, l'un de ses maîtres ; ceux de Guillaume de Champeaux et d'Anselme de Laon ont été cités tout à l'heure. Quel rôle joue‑t‑il lui‑même sur cette scène ? Essayons d'en donner les traits essentiels.

Quantitativement, son oeuvre n'est ni chétive, ni écrasante ; il n'est pas très facile de la mesurer ; disons qu'elle couvre deux ou trois milliers de pages. Une partie en est perdue, entre autres une Grammaire et les chansons pour Héloïse (ce sont ces deux pertes que personnellement je regrette le plus). Ce qui reste ‑ de très loin la plus grosse part ‑ se répartit en deux masses à peu près égales : oeuvres de logique, oeuvres de théologie (en comptant parmi ces dernières l'Éthique, les Sermons, le Dialogue entre un Philosophe, un Juif et un Chrétien) ; il faut donner une place spéciale à des poèmes d'inspiration biblique, à la correspondance sur laquelle nous entendrons des communications assez divergentes. Nous allons donc voir successivement l'Abélard logicien et l'Abélard théologien.

Philosophe

Les oeuvres de logique sont, d'une part des séries de gloses sur les textes classiques de l'époque (Aristote, Porphyre, Boèce), d'autre part une Dialectica à laquelle Abélard a imposé son propre plan ; ouvrage à la fois méthodique et compact, dédié par Pierre à son frère Dagobert, et où tel exemple jeté dans le sérieux de la théorie ouvre inopinément une fenêtre sur les jeux printaniers des Goliards : Festinet amica ; osculetur me amica ; mais il faut bien dire que pareilles échappées sont rares. Gloses et Dialectique rassemblent une masse de science ‑ sans doute toute la science disponible à l'époque, en matière de théorie des termes et de théorie du jugement. Il est bien impossible d'en résumer le contenu en quelques mots. On peut noter cependant qu'Abélard, en plusieurs endroits décisifs, s'efforce de lier et d'interpréter les uns par les autres des concepts empruntés à la grammaire et des concepts empruntés à la logique : on peut voir là le pressentiment d'une science unifiée du langage, et même un essai pour la constituer, ou du moins pour en jeter les bases.

Deux autres remarques encore, d'objet moins technique : la première porte sur un fait assez connu; comme tous les logiciens de son temps, Abélard rencontre le fameux problème des universaux, qu'on peut présenter ainsi : Quand je dis Socrate est un homme, est‑ce qu'en prononçant le mot homme, je parle d'une chose ou non ? On imagine mal tant qu'on ne s'y est pas enfoncé l'amas des subtilités auxquelles cette question a donné lieu.

Parmi les maîtres connus d'Abélard, Guillaume de Champeaux pensait que l'espèce homme par exemple, était une chose ; Roscelin, que ce n'était qu'un mot. Abélard se range aux côtés de celui‑ci, c'est‑à‑dire qu'il est ce qu'on appellera plus tard un nominaliste ; il faudrait d'ailleurs nuancer fortement ce jugement, car la thèse abélardienne a subi une évolution, sans aller jamais jusqu'au réalisme.

Mais ce qu'il faut surtout noter, c'est que sa façon de poser et de résoudre la question des universaux est rigoureusement commandée par l'analyse dialectique du jugement : un universel, homme, c'est ce qu'on attribue à un sujet, Socrate ; mais une chose ne saurait aucunement s'attribuer (ici Abélard critique avec une virtuosité étourdissante un certain nombre de variétés du réalisme) : donc un universel est un mot, on l'attribue à un sujet en vertu d'un certain mode d'être de ce sujet ‑ ici l'être‑homme, qui n'est pas une chose, et donc, à strictement parler, n'est rien.

Ainsi Abélard développe, au niveau même du langage, une véritable théorie de l'être qui, prise de ce point de vue, est en somme l'opposé de celle de Platon. Mais ici apparaît notre seconde remarque : dans d'autres textes concernant notamment les idées divines, les propositions éternellement vraies, la qualité, s'expriment des points de vue nettement platoniciens, dont certains, on l'a noté déjà, rappellent la pensée de Bernard de Chartres ‑ du moins le peu qu'on en connaît. Il y a donc dans la pensée d'Abélard, du moins dans son ontologie, une pluralité qu'on appellera richesse ou disparate, je n'essaierai pas de me prononcer là‑dessus.

Théologien

Quant à son oeuvre théologique, elle est considérée comme marquant une étape décisive dans la constitution de ce qui sera la scolastique. En effet, c'est chez Abélard et dans son école que l'on a expérimenté, puis fixé, les principes de la répartition de la matière théologique selon quelques grands thèmes (Abélard proposait une répartition tripartite : foi, charité, sacrement) ; c'est là également ‑ mais non uniquement, il faut le noter que s'est élaborée la méthode de la question : position et résolution systématiques des problèmes.

Mais il ne suffit pas d'avoir dit cela pour rendre un compte suffisant de la théologie abélardienne. D'abord parce qu'il est peu équitable de ne la considérer que dans sa transition à la scolastique : c'était peut‑être sa destination, mais on ne rend pas justice au torrent en nommant simplement le lac où il se jette;  ensuite, et ce n'est au fond qu'un corollaire de ce qu'on vient de dire, parce que cette théologie a posé des problèmes à ses contemporains, et que ces difficultés en posent à leur tour à l'historien lui‑même. Dans les trois ouvrages qu'il a successivement consacrés à la Trinité, Abélard répète qu'il ne prétend pas expliquer ce mystère, en rendre compte : il se contente d'exposer quelque chose de  «vraisemblable», de  «proche de la raison humaine» ; et il explique pourquoi le langage ne peut exprimer proprement de telles choses.

Pourtant il sera condamné deux fois pour avoir, entre autres motifs, été trop confiant dans la logique. Le malentendu était donc complet sur ce point. Or, il ne faut pas croire qu'Abélard était dans son époque comme un bloc erratique, un météore chu on ne sait d'où : il n'était pas le premier à avoir procédé par questions, à avoir remarqué que les grands auteurs de la tradition chrétienne paraissent parfois se contredire.

C'est pourtant sur lui que sont tombées les condamnations ; sur quelques autres aussi d'ailleurs. Il y avait de grands remous dans cette première partie du XIIe siècle, et Abélard, parce qu'il était au centre, était parmi les plus exposés. Ce qui le singularise, c'est le fait qu'il était d'abord un logicien, et que sa théologie, comme son ontologie, travaille dans le langage même. Son examen des problèmes trinitaires consiste pour l'essentiel en une étude des jugements qu'on peut formuler sans absurdité logique, à propos des rapports entre les trois personnes divines et l'essence unique de Dieu.

De même sa réflexion morale sur le péché est d'abord un essai de définition rigoureuse du terme un péché n'est ni un vice, ni un acte, etc. ; il cherche à déterminer ce qu'il appelle, en logicien, le propre du péché. Dans le prologue de son célèbre Sic et Non, dossier méthodiquement classé de citations patristiques contradictoires, il élabore des règles d'analyse sémantique qui impliquent une conscience précise de la nature du langage et de sa situation dans l'histoire et dans l'inter-subjectivité. On ne rend pas justice à la théologie d'Abélard si on néglige ces traits principaux qui lui donnent sa personnalité unique. Mais inversement il ne faudrait pas la réduire à cela.

Il faut encore ajouter par exemple, que ces exposés sur la Trinité commencent par situer la question dans l'Antiquité païenne elle‑même, par énumérer les auteurs qui ont formulé, confusément encore, ce dogme central du Christianisme. Ce sont bien entendu les platoniciens ‑ et nous revenons ainsi à une remarque déjà faite à propos de la philosophie d'Abélard.

Postérité

Voilà ce qu'il faudrait voir en détail pour se faire une idée de la pensée de cet auteur, qui fut aussi un profond moraliste et un bon écrivain : l'acuité avec laquelle il réduit à l'essentiel le concept de péché, l'importance qu'il attribue à la conscience morale, vont de pair avec la rigueur dialectique et avec le goût de l'analyse psychologique que manifeste son Histoire de mes malheurs. On entrevoit déjà pourquoi ce maître brillant et discuté a tenu une si grande place dans son époque. Mais sitôt qu'on va un peu plus loin, qu'on cherche quelles ont été les suites de cet enseignement, les paradoxes réapparaissent.

Dans les périodes de travail intense, les influences s'usent vite. En théologie, Abélard disparaît dans son propre triomphe : le mouvement qu'il a recueilli et auquel il a donné une impulsion supplémentaire se poursuit sans lui ‑ je veux dire qu'on cessera relativement vite de se réclamer d'Abélard. En dialectique, il sera éclipsé par la rentrée dans le monde latin de toute la partie de la logique d'Aristote qui avait été perdue depuis longtemps. Abélard reste à un seuil; il ne le franchit pas, mais il le domine de toute sa stature. On le distingue encore, à travers les siècles. Son aventure amoureuse était un gage de survie : les poètes et la sensibilité populaire y veillaient.

Mais, depuis le romantisme et le regain d'intérêt pour les choses médiévales, l'enrichissement de la science et l'affinement de ses méthodes révèlent de plus en plus en Abélard une figure digne du plus grand intérêt. On voit se multiplier les études qui le prennent pour sujet, sous des points de vue divers. Nous voici maintenant réunis pour nous en instruire davantage, au cours de cette semaine où Abélard sera de nouveau présent dans la maison de Pierre le Vénérable.

 

PIERRE ABÉLARD, PIERRE LE VÉNÉRABLE. Les courants philosophiques, littéraires et artistiques en occident au milieu du XIIe siècle, Colloque international abbaye de Cluny 2 au 9 juillet 1972. Éditions du Centre National de la recherche scientifique, 15 quai Anatole-France, 75700 PARIS, 1975. N° 546. p.49 et sq.

 

lesamours
Abélard et Héloïse

 

- retour à l'accueil

30 mars 2017

le Ménexène de Platon, compte rendu de l'étude de Robert Clavaud (1980)

Ménéxène

 

 

le Ménexène de Platon,

compte rendu de l'étude de Robert Clavaud

(1980)

 

 

Ménexène cr (1)

Ménexène cr (2)

Ménexène cr (3)

Ménexène cr (4)

Ménexène cr (5)

 

Jacques Follon (1948-2003, Revue Philosophique de Louvain,
1982, vol. 80, n° 45, p. 124-128.

 

scène de prothésis vers 750 av
scène de prothésis : exposition et déploration du mort,
détail d'un cratère, v. 750 av. J.-C., découvert dans le cimetière du Dipylon à Athènes

 

Ménexène couv (2)

 

 

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
28 mars 2017

l'allégorie de la caverne - texte de Platon

caverne Dominique Perugino
"Qu'on détache l'un de ses prisonniers, qu'on le force à se dresser immédiatement,
à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière..."  (photo Dominique Perugino)

 

 

l'allégorie de la caverne

texte de Platon

 

allégorie caverne texte Platon (1)

allégorie caverne texte Platon (3)

allégorie caverne texte Platon (2)

allégorie caverne texte Platon (4)

 Platon, La République, livre VII, 515a-518c,
trad. Robert Baccou, 1936 (éd. 1966)

 

 

Platon République 1966 couv

 

 

- retour à l'accueil

27 mars 2017

Marcel Conche a eu 95 ans

5599

 

 

Marcel Conche a eu 95 ans

le 27 mars 2017

 

  • "Je me suis voué à la philosophie dès mon plus jeune âge, sans doute dès 6 ans, lorsque je me suis aventuré jusqu'au grand tournant, sur la route longeant le pré que mon père était en train de faucher, pour savoir si le monde continuait après", Marcel Conche, Épicure en Corrèze, 2014.

 

05102011375
Marcel Conche

 

AVT_Marcel-Conche_6256
Marcel Conche

 

Épicure en Corrèze couv

 

 

bibliographie de Marcel Conche

 

Marcel Conche biblio (1)

Marcel Conche biblio (2)

Marcel Conche biblio (3) - 1

 

Marcel Conche bureau
Marcel Conche

 

31FLgdoJDOL

 

31ZqsyZUCyL

 

9782363450166FS

 

AVT_Marcel-Conche_8718

 

Marcel Conche réponses à ACS

 

41pHe2eJ9WL

 

Marcel Conche été

 

41E9ZGBP59L

 

Marcel-Conche-2

51qmBm89MIL

 

Présence de la nature couv

 

71OAmD82QZL

 

2135104

 

3124g8xd3mL

 

4125xqO5pEL

 

 

Conche2
Marcel Conche

 

Avec des si

 

film sur Marcel Conche

 

1200px-Marcel_Conche,_Foire_du_livre_de_Brive_2014
Marcel Conche en 2014

 

 

- retour à l'accueil

27 mars 2017

Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, par Paul-Antoine Miquel

Bergson couv (1)

 

 

Bergson, Essai sur

les données immédiates de la conscience,

par Paul-Antoine Miquel

 

préface Données immédiates consciences (1)

préface Données immédiates consciences (2)

 Paul-Antoine Miquel, éd. GF, 2013

 

Bergson portrait (1)
Henri Bergson, 1859-1941

 

 

- retour à l'accueil

26 mars 2017

Maximilien Vallois, Formation de l'influence kantienne en France, compte rendu

Vallois Formation influence kantienne couv

 

 

Maximilien Vallois,

Formation de l'influence kantienne en France,

(1924) compte rendu

 

Vallois Formation influence kantienne en France cr (1)

Vallois Formation influence kantienne en France cr (2)

Vallois Formation influence kantienne en France cr (3)

Pierre Debouxhtay, Revue belge de philologie et d'histoire,
1929, vol. 8, n° 3, p. 940-942.

 

 

 

- retour à l'accueil

25 mars 2017

c'est la sortie de l'état de nature qui fait l'homme, Rousseau

Rousseau et Contrat social 1762

 

 

c'est la sortie de l'état de nature

qui fait l'homme, Rousseau

 

Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C'est alors que la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme qui jusque-là n'avait regardé que lui-même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes, et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants. Quoiqu'il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s'exercent et se développent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme toute entière s'élève à tel point que si les les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais, et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme.

Le Contrat social, 1762, début du chap. huitième,
éd. Pluriel, 1988, p. 186-187.

 

L'homme sorti de l'état de nature peut y retomber, à un degré inférieur même, par les abus qu'il fait de sa nouvelle condition dans l'état civil. Le mal peut le ramener à l'animalité.

 

 

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 > >>
Publicité
Philosophiques
Philosophiques
Derniers commentaires
Archives
Publicité